Actualités / Cultures - mardi 19 mars 2013

“L’homme et la chèvre“ : fantasmagorie à plusieurs niveaux

“NOUS sommes en Russie sous l’Empire des tsars, au 19e siècle. C’est l’histoire d’un pauvre tailleur qui prend la route vers le village voisin pour acheter une chèvre et enfin réaliser le rêve de sa femme d’avoir une vie meilleure”. Ce qu’il y a de formidable avec les contes, c’est qu’on peut les aborder de mille et une manières. Alors, reprenons : “A l’époque, les juifs, à peine tolérés, sont poussés à vivre dans des zones de résidence, sans avoir le droit de quitter le territoire. Toute une humanité de petites gens, asphyxiée par la misère et la souffrance”. Nous voilà donc plongés dans l’univers yiddish, un univers englouti par le monde moderne et dont l’écho assourdi nous revient sur la scène de la MJC. Six comédiens incarnent les protagonistes, chèvre comprise, et s’affrontent d’un village à l’autre, car la femme du tailleur, elle, n’a qu’une idée en tête : acheter une chèvre. Le destin va en décider autrement... On ne livrera pas le dénouement de cette comédie humaine tragico-comique. Simplement, pour passer du conte au spectacle vivant, il faut, comme la metteur en scène Olga Chakhparonova, avoir à la fois une excellente connaissance de la littérature yiddish et une envie chevillée au corps de transcrire une histoire enfouie dans la mémoire collective.

 

Car ce “tailleur ensorcelé” dont Olga Chakhparonova brosse le portrait, ressemble à beaucoup de contemporains, qu’ils soient juifs ou arabes, chrétiens ou athées. Est-il un naïf, un bouc émissaire ou un mystique, ce tailleur ? Les interprétations ne manqueront pas à la vue de ce spectacle qui fait appel autant à l’imagination qu’aux sens. Tout comme les dialogues alternent avec les chansons, les parties chantées se dansent et la mise en scène se mue par moments en une chorégraphie endiablée, au service de la progression dramatique et de la profondeur des personnages. Une simple clôture rustique et nous voilà tantôt dedans, tantôt dehors... L’emploi du théâtre d'ombres contribue à explorer et amplifier l’univers intérieur du tailleur. Appuyée par la création musicale de Gérard Maimone, la scénographie fait entrer le spectateur dans son intimité et celle de ses protagonistes.

Cette comédie musicale profonde et sensible a donné lieu à des ateliers, en lien avec le centre social Georges-Levy. L’occasion pour Olga Chakhparonova de démultiplier les points de vue, et de partager avec les enfants les outils de la scénographie : “Le projet de mener des rencontres artistiques auprès des jeunes, explique-t-elle, est né du désir de créer une relation entre une œuvre artistique qui conjugue plusieurs arts : théâtre, danse, musique, de la marionnette... et le jeune public. Enfants, adolescents et jeunes adultes tissent du lien autour du travail des comédiens et de la démarche artistique, notamment autour du théâtre d’ombres, mais aussi en travaillant des situations comiques, avec pantomimes sautillantes ou acrobatiques”. Ces échanges ont permis de rencontrer l’équipe artistique et technique lors des répétitions et d’assister à une représentation.

Françoise Kayser

Pratique : L’Homme et la Chèvre mis en scène par la Compagnie Argranol, les 26, 27 et 28 mars à14h30,et le 29 mars à 20h à la MJC, 13 avenue Henri-Barbusse. Tél. 04 72 04 13 89.

 

 

 

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