Actualités / Cultures - mardi 01 juillet 2014

Patrick Doutres : la mécanique des couverts

L’ARTISTE vaudais vient de créer pour l’institut Paul Bocuse une compression de couverts d’argent. L’œuvre est une commande du chef cuisinier Pierre Orsi. Réalisée à partir de cuillères, fourchettes et couteaux compressés, c’est un parallélépipède dont la proportion approche le nombre d’or. Ses dimensions font référence au commanditaire : 39 cm de large évoque 1939, son année de naissance, et la hauteur, 72 cm, l’année 1972 où il a été Meilleur ouvrier de France (Mof). L’œuvre de 80 kilos fait aussi un clin d’œil au sculpteur César, maître es compressions qui a compacté voitures, papiers, tissus, bijoux et couverts d’argent.

“Orsi m’a réclamé à plusieurs reprises une compression à la manière du célèbre sculpteur. Je ne voulais pas car ce n’est pas ma façon de travailler. Mais à force de sollicitations, j’ai cédé à ses desiderata”, indique l’artiste vaudais originaire des Pyrénées orientales. Lui, est un détourneur d’objets. il travaille avec différents matériaux et pièces métalliques, principalement avec des couverts et autres objets culinaires, qu’il récupère. Ancien fondeur et mécanicien, Doutres se décrit comme “un ouvrier à l’âme d’artiste”. Il crée habituellement des personnages, des formes animalières, des bijoux, mais aussi des bateaux avec des bandeaux de roues de charrettes, des faux, du bois flotté, des poignées de portes... Le voilà qui s’est lancé sur les pas de César, à partir de couverts anciens et récents fournis par Orsi. L’œuvre est aujourd'hui placée dans le hall d'entrée de l’institut Paul Bocuse, à Ecully. Elle rend hommage aux donateurs et créateurs de cette école de management, hôtellerie, restauration et arts culinaires. Elle côtoie une autre sculpture signée Doutres, un cuisinier de taille humaine créé à partir de l’argenterie du paquebot Normandie et commandé par Orsi.

Hasard des rencontres

En quête d’une presse hydraulique, Doutres a sollicité la collaboration de Piero Pistis, le propriétaire du garage des écoles installé à deux pas de son atelier, au village. L’ami mécano l’a aidé à comprimer les matériaux à 50 tonnes et est devenu co-concepteur de la sculpture. Le montage s’avérait délicat et la réalisation du socle relevait du casse-tête. “C’est un travail de mécanique générale”, spécifie Doutres. Vu son poids, pour une question de sécurité, il fallait assurer la stabilité de la sculpture : “La pièce du haut est tenue par la pièce du bas. Le socle est fait de cinq parties enchevêtrées. Tout est emboîté mais on a l’impression que c’est posé”, précise-t-il.

L’aspect chaotique de la compression est contrebalancé par la netteté du socle en aluminium poli miroir. Et l’aspect figé, stratifié est contrarié par une petite pièce sphérique mobile, “que l’on peut tourner avec la main, comme pour dire : la vie continue”. Sur une face du socle, figurent les noms de ceux qui ont administré l’institut et l’ont fait exister. Sur le mur en arrière plan, s’inscriront les noms des majors de promotions.“Pour moi, à l’origine, le couvert c’était un gag, j’aurais pu utiliser un autre rebut. Je ne me suis jamais dit : Utilise des couverts, tu travailleras avec des restaurateurs”, commente Patrick Doutres. Mais sa rencontre avec Jean Paul Lacombe, au marché de la création au début des années 1990, a été décisive : “Il m’a demandé de réaliser un cuisinier avec son propre matériel, saucières, couverts...”.

Aujourd’hui, il ne travaille pratiquement qu’à la commande. il a aussi pour projets la réalisation d’une tour Eiffel à l’école d’application culinaire de Dijon, installée dans la maison de Gustave Eiffel. L’artisan-artiste a l’habitude d’entamer plusieurs travaux à la fois mais en allant toujours au bout de chaque chose. Il ne perd jamais de vue sa première idée, “souvent la bonne”.

Fabienne Machurat

Pratique: www.patrick-doutres.fr

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