Actualités / Cultures - mardi 19 novembre 2013

Veduta : ma vie avec une œuvre d’art

L’ART CONTEMPORAIN, un passe- temps pour riches ? Une œuvre de l’américain Jeff Koons se négocie plusieurs dizaines de millions d’euros. Pourtant, même à Vaulx-en-Velin, il est possible d’avoir un chef d’œuvre. Gratuitement. C’est le pari qu’a lancé la Biennale d’art de Lyon avec son volet hors les murs, intitulé Veduta. Exit les musées, c’est dans les ban- lieues que l’on retrouve ces grandes signatures. “Veduta, en italien, c’est la petite fenêtre qui indique la perspective dans les tableaux de la Renaissance”, explique Thierry Raspail, directeur de la Biennale. Une ouverture sur une nouvelle dimension. Chaque artiste a confié une création à un résident, de septembre à janvier. Au long du printemps, les médiatrices du projet ont frappé à des centaines de portes dans toute la région pour trouver des volontaires. Six Vaudais ont répondu à l’appel.

“Et si on te la vole ?”

Le collage ne dénote pas avec le mobilier classique de son appartement de l’avenue Roger-Salengro et, pourtant, il interpelle. “C’est une œuvre qui questionne”, avoue Marie-Claude Gayot, qui héberge chez elle “Self Portrait” du collectif newyorkais Bruce High Quality Foundation. Un double portrait d’un être hydride, mi-homme, mi-voiture. “Une Saab”, précise la retraitée. Depuis que l’énigmatique collage trône sur la commode du salon, famille et amis se succèdent pour l’admirer. Chacun y va de son interprétation. “Certains y trouvent des références au 11 septembre, d’autres aux accidents de la route ou à Georges Perec”, résume Marie-Claude en riant. C’est dire si “Self Portrait” fait débat. “Par contre, il y a une réflexion qui revient tout le temps : Et si on te la vole ?”

Cauchemar dans le salon

Il faut à Bénédicte Reverchon un sommeil de plomb pour ne pas être hantée par le tableau installé chez elle. La responsable des ateliers Gagarine accueille une imposante peinture du brésilien Thiago Martins de Melo qui représente les rêves – ou cauchemars – de son épouse. “Personnellement, je ne l’aurai pas choisie, elle dénote avec le reste de ma décoration”, lance-t-elle, tout en reconnaissant être intriguée par ce foisonnement de motifs. La toile est décorative, ce n’est pas le cas de toutes celles proposées. Comme la répartition se fait au hasard, c’est comme à la loterie : il y a les chanceux, et les autres.

Christine Estienne par exemple, reste perplexe devant “Google” d’Hannah Weinberger, installé dans son entrée : un cadre contenant une reproduction de la page d’accueil du moteur de recherche Google. Une forme de fenêtre sur l’extérieur, un peu trop conceptuelle pour elle. “Je ne sais rien de la démarche de l’artiste”, souligne la secrétaire de l’Artistorium, plus habituée à magnifier les couleurs dans ses vitraux d’art que de décrypter ce genre de chose. Idem pour Daniel Lucarella. Quand on lui a annoncé qu’on allait installer une imprimante chez lui, au Village, il a trouvé l’idée intéressante. Alice Lescanne et Sonia Derzypolski, les jeunes artistes, lui enverraient des photos qui en sorti- raient automatiquement. “Je pensais que toutes ces images raconteraient une histoire, mais je suis déçu. Ma fille de 9 ans m’a même dit qu’elle trouvait ça nul”, avoue-t-il. Pour autant, si s’était à refaire, Daniel signerait tout de suite. Et puis, surprise et déception font aussi partie de l’expérience. “Cela fait partie du jeu. Comme dans toutes expositions, nous sommes confronté à des avis tout à fait subjectifs. Encore plus lorsque c’est chez soi”, conclut Mélanie Fagard, médiatrice Veduta.

Maxence Knepper

Crédit Photo © Thierry Chassepoux

La biennale d’art contemporain bat son plein et multiplie les angles d’approche. Notamment avec Veduta, manifestation qui ouvre la perspective sur d’autres mondes que ceux du musée. A Vaulx-en-Velin, Veduta propose des œuvres chez les habitants, des rencontres, du cinéma et un colloque ouvert à tous. 

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