Actualités / Société - mercredi 18 décembre 2013

En patrouille avec la police nationale

LA RADIO de bord sort de sa torpeur. “Une bagarre d’une quarantaine d’individus devant le stade Jomard”, annonce le poste. Branle bas dans l’habitacle du véhicule de police. Le gyrophare est actionné, la sirène résonne et la voiture file en direction des quartiers Est. “On ne sait jamais de quoi notre quotidien est fait. On sait à quelle heure on arrive, à quelle heure on repart, mais au milieu, c’est la grande inconnue”, résume Nicolas(1), membre de la Brigade spécialisée de terrain (BST ) qui patrouille, de 16 heures à minuit, dans la zone de sécurité prioritaire. Sur place, avenue Paul-Marcellin, il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est le chahut de quelques collégiens qui sortent de cours. “Il suffit d’un peu de bruit pour que des passants nous appel- lent”, explique Delphine(1). Malgré son gabarit poids-plume, son regard perçant impose le respect. A quelques mètres, une grand-mère fait de petits gestes discrets à leur l’attention. Elle indique un groupe plus expressif que les autres. La vue des uniformes suffit à les calmer. “Je croyais qu’ils voulaient jeter des pierres“, se défend la dame. “On est aussi là pour rassurer les gens, lance Clément(1), le chef de bord. Si on est spécialisé sur un secteur précis, c’est justement dans le but de bien connaître la population : les fauteurs de troubles comme les personnes excédées.”

Caméra sur l’uniforme

Les trois agents profitent de l’intervention pour effectuer quelques contrôles à pied, rue Paul-Eluard. Ils sont rejoints par une deuxième patrouille pour plus de sécurité. “Nous refusons de prendre des risques. Mieux vaut être plus que pas assez.” Avant de se diriger vers le bas des tours, Delphine fixe une caméra sur l’uniforme de Nicolas, “pour plus de clarté juridique”, précise-t- il. Ces appareils filment les interventions et leurs images pourront être versées à des procédures judiciaires. Sur le parking, les agents croisent une bande de jeunes. “Des vieilles connaissances. Un jour, ils nous parlent comme des potes, le lendemain, on est dans l’outrage.” Après quelques mots échangés, la fouille des parties communes de l’immeuble commence. “L’été, le problème majeur, c’est les rodéos moto. L’hiver, c’est l’occupation d’immeuble et la consommation de stupéfiants”, synthétise Nicolas en vérifiant que toutes les boîtes aux lettres sont bien ver- rouillées. Certaines ne le sont pas, elles feront l’objet d’un signalement au bailleur. Armoires électriques, locaux poubelles, placards, tout y passe. Quelques restes de joints et des lambaux de feuilles à rouler sont trouvés. Nicolas et Clément avalent les étages et les marches d’escaliers. Delphine est restée devant la voiture, une arme de défense, un lanceur de balles, en bandoulière, au cas où. Au détour d’un palier, les deux hommes rencontrent un habitant. Ils s’assurent que tout va bien. “Oh, il y a beaucoup d’allées et venues dans le placard commun au beau milieu de la nuit”, répond-t-il, défaitiste. Selon les policiers de la BST, les gens n’osent pas faire le 17, par peur de représailles. “Mais c’est en train de changer”, notent-t-ils.

“On ne tourne jamais dans le vide”

Quelques instants plus tard, chemin Pierre-Dupont, après un contrôle de véhicule, les agents décident d’arpenter les alentours. “On ne tourne jamais dans le vide, on est constamment à la recherche de délits, même si on ne verbalise pas toujours. Quand notre pré- sence dérange, on reçoit des jets de projectiles”, commente Clément. A ce moment, un pot de moutarde en verre lui tombe sur le pied, sûrement lancé depuis une fenêtre. La pratique illustre la théorie. Clément reste stoïque, son collègue préfère en rire : “Tu ne l’avais pas celui-ci dans ta collection“. Dans un local technique, ils tom- bent sur un fumoir. Dans un coin de la pièce, une caisse à outils “qui ne doit pas leur servir à rentrer chez eux”. Plus loin, c’est un rangement à bennes à ordures qui a été incendié. Dehors, une habitante les interpelle : “Bravo ! Merci de votre travail ! Vous êtes géniaux !”. Les agents apprécient le compliment mais n’ont pas le temps de s’arrêter longtemps. Il leur faut continuer les vérifications aux Verchères, au Mas du Taureau et à la Grappinière. Sur le chemin, la voiture essuie des insultes. Un train-train ordinaire pour eux, beaucoup moins pour nous.

Les maux de la police

Quelques heures plus tard, au commissariat, les trois collègues s’accordent une pause. Nicolas étire son mètre quatre-vingt-dix en servant le café. Ils en profitent pour parler entre eux des maux de la police : le manque de moyens, de matériel, d’effectif, de reconnaissance et de soutien. L’angoisse d’être suivi parfois jusqu’à leur domicile. Dans les coups durs, ils comptent sur la cohésion du groupe pour se soutenir. “Nous sommes une unité particulière, sans relève ni interaction directe avec les autres services. Heureusement que nous sommes très lié pour tenir le coup.”

Maxence Knepper

Crédit photo © Marion Parent

(1)Tous les prénoms ont été modifiés.

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