Actualités / Société - mercredi 02 octobre 2013

Les Roms sont partis...et après ?

LE BIDONVILLE de la Tase, ça n’était plus possible à la fois pour les Roms qui s’y entassaient par centaines et pour les habitants qui voyaient cette misère étalée sous leurs fenêtres et subissaient les nuisances. Beaucoup ne supportaient plus cette situation, la saleté, les odeurs, les fumées nocives, les poubelles fouillées et renversées, le racolage des jeunes filles... Les riverains se sont trouvés partagés entre élan de solidarité et rejet des Roms. Compassion, ras le bol, haine... les sentiments étaient exacerbés.

“On n’en pouvait plus ; il fallait qu’ils partent ; on ne pouvait plus ouvrir nos fenêtres, maintenant on respire ; on se sentait abandonnés...”, entend-on ici et là. “A cause de tout ça, des voisins ne se parlent plus, le climat reste tendu”, observe Karima une riveraine marquée par quelques propos extrêmes : “Si tu les approches, il faut te désinfecter, m’a-t-on lancé. Certains disaient : il faut tous les brûler”.

“J’ai été choquée par tout ce qui s’est passé autour de ce camp, tout ce qui s’est dit, explique Winship Boyd qui vit à la Tase. Il y a eu beaucoup de violence. Ca a changé les relations de voisinage. De mon côté, j’ai parlé avec les Roms comme avec n’importe quel habitant. C’était impensable pour moi de signer la pétition que des riverains et des associations ont fait circuler pour réclamer leur expulsion”.
Maria, une autre vaudaise questionne :“Avant d’être insupportable pour les riverains, cette situation n’était elle pas insupportable pour les occupants du bidonville ? Plutôt que de s’en prendre à ces gens, pourquoi ne s’en prend-on pas aux pouvoirs publics qui laissent croître de tels camps et maintiennent des populations dans de telles conditions d’existence ? Nous-mêmes, pour beaucoup, d’où venons nous ? Nos parents, nos grands-parents ou arrières grands- parents n’ont ils pas souvent fui la misère de leur pays d’origine ? Où serions-nous s’ils avaient subi le même sort que les Roms ?“

Hassen, jeune artiste qui vit au sud de la ville, est d’abord allé vers eux pour mettre en pratique son apprentissage du romanès, leur langue. Il a été amené à faire le traducteur. “Les Roms, ce sont des hommes et des femmes comme toi et moi. L’extrême précarité de leur situation ne me laisse pas indifférent. Je regarde les arguments humains et j’aide les gens en dehors de toute question politique”, déclare-t-il. Quand la tension est montée dans le quartier, il a discuté avec les uns et les autres. “Le vivre ensemble en a pris un coup, constate Marcelo Chaparro, directeur du centre social et culturel Peyri. Des masques sont tombés, des relations se sont abîmées”. Aujourd’hui, il faut digérer, écouter, comprendre, faire comprendre. “Le centre social ne peut pas rester muet, affirme-t-il. Nous avons du chemin à faire pour renouer les liens et le centre social a un rôle à jouer. Nous voulons mettre en place des actions ciblées avec des artistes, dans trois quartiers du Sud, pour parler du vivre ensemble”. Les Roms sont partis mais quelque chose est à reconstruire.

Fabienne Machurat

La formation du camp de Roms à la Soie, son élargissement, l’incendie, l’expulsion de ses occupants... ont marqué les habitants de la Tase, au Sud de la ville et au-delà. Malgré le départ des Roms, certaines tensions ont eu du mal à retomber. La question des campements et squats illicites a été abordée en préfecture avec les maires du Grand-Lyon. Le point a été fait aussi sur des solutions possibles, tel le plan Andatu, projet unique en France qui vise à l’insertion des Roms. Et qui fonctionne. 

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