Actualités / Société - mercredi 18 décembre 2013

Une journée comme une autre au commissariat

LA LOURDE porte d’entrée est dure à pousser et les escaliers d’accès sont raides. “Commissariat de Vaulx-en-Velin, bonjour”. Ce début d’après-midi est particulièrement calme au poste. Le brigadier chef Boris, policier depuis plus de 20 ans et Nacera, adjointe de sécurité depuis un an, assurent l’accueil. Depuis leur guichet, ils voient défiler les demandes les plus variées. Essentiellement des déclarations de perte de documents d’identité, des contrôles judiciaires, des demandes de renseignements ou des dépôts de mains courantes. Des requêtes un peu plus farfelues peuvent les faire sourire. Ainsi, le cas d’un père se plaignant de sa fille qui ne veut pas travailler... “Depuis vingt que je suis en service, les gens perdent l’habitude de dialoguer, constate le brigadier chef. Nous avons essentiellement des différends familiaux ou de voisinage. On se retrouve parfois avec des personnes devenues incapables d’entendre raison”.

De l’autre côté du guichet qui sert d’accueil, l’état du commissariat fait grise mine. Des carreaux manquent au sol, le meuble dans lequel les registres sont entreposés est à deux doigts de s’effondrer et les murs sont décrépits. Cela ne décourage pas Nacera. C’est sa première affectation. “J’ai toujours eu envie de faire ce métier, explique-t-elle. J’aime être en action sur le terrain, mais aussi être en contact avec les gens. Le plus gratifiant, c’est de savoir que l’on a pu jouer un rôle et d’avoir apporté une aide au public”.

Côté public justement, la salle d’attente avec ses bancs métalliques est déserte. Seuls les grésillements de la radio donnant les nouvelles des patrouilles interrompent le silence ambiant. Depuis son bureau, Nacera jette un œil sur l’écran des caméras placées dans les cellules de garde à vue. Deux individus sont retenus à la suite d’un contrôle inopiné. Dans les poches de l’un d’eux, quatre grammes d’héroïne ont été trouvés. Dans le box voisin, un homme s’effondre en lar- mes. Il a été placé là pour violences conjugales.

Tout s’accélère à la tombée de la nuit

Un équipage appelle pour une vérification du système d’identification des véhicules. Les collègues dictent les numéros de la plaque à entrer dans le fichier. En même temps, le défilé des personnes sous contrôle judiciaire et de ceux ayant perdus passeports et autres pièces d’identité s’accélère. A la sortie de l’école, un enfant accompagné par deux policiers arrive pour témoigner d’une sombre affaire. Il s’agirait d’un enlèvement. Ses parents débarquent quelques minutes plus tard. Le père et la mère sont affolés. Il faut faire preuve de pédagogie et de sang froid pour les rassurer et expliquer la procédure. Ils attendent fébrilement que les enquêteurs à l’étage au-dessus auditionnent leur fils comme témoin. Un officier de police se charge de recueillir la déclaration. A partir de 18 heures, les mains courantes se déposent à l’accueil. Une déclaration faite par des particuliers et consignée sans dépôt de plainte. Le dépôt d’une main courante peut être utile dans bien des cas et notamment les affaires familiales : en cas de départ du conjoint du domicile, de non présentation d’un enfant, de litiges avec le voisinage. Justement, une dame arrive paniquée. Son conjoint est parti avec ses économies et certains de ses effets personnels. L’adjointe s’occupe d’enregistrer sa doléance.

Pour les policiers, la journée a été des plus banales. Plus d’une trentaine de personnes ont été reçues. Ce calme n’occulte pas pour autant les difficultés ressenties au quotidien. “Les conditions de travail deviennent de plus en plus difficiles, lance le brigadier chef. Nous sommes toujours en sous-effectif. Il y a de plus en plus de distance entre la base et les hautes instances. La culture du résultat est devenue fondamentale, or elle ne correspond pas forcément à notre façon de travailler. On a parfois l’impression de faire de la répression sans apporter de solutions derrière”.
Sur cette note de blues, la relève arrive. Leur journée reprendra le lendemain dès 4h50.  

Rochdi Chaabnia

Crédit photo © Marion Parent

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