Actualités / Sports - mardi 18 février 2014 - (14 images)

Foot féminin : les lignes bougent

CHARLYNE, 17 ans, nous entrouve la porte de la chambre. Il n’est pas encore sept heures, elle finit de se pré- parer ainsi que Noémie et Sarah, ses deux camarades. Toutes les footballeuses du pôle Espoir sont internes au lycée. Chacune d’entre elles a son espace, même réduit, dans la chambrée. Les murs sont tapissés des trophées et de posters des clubs : ceux qui leur sont chers, ceux dans lesquels elles jouent le week-end, l’équipe féminine de France...“C’est le rêve de toutes d’aller en équipe de France, nous dira plus tard Cécile Locatelli, leur entraîneure. Mais au pôle Espoir de Doisneau, on leur fait déjà toucher du doigt qu’elles ont de la chance d’être ici”. Cela est dit sans fausse modestie, avec la netteté dans les propos qui caractérise cette ancienne joueuse, longtemps capitaine de l’équipe de France – elle a à son actif 49 sélections.

Cécile Locatelli avait toutes les qualités requises pour devenir le pivot autour duquel tourne le pôle Espoir depuis sa création : une efficacité reconnue, de l’expérience et le sens des valeurs éducatives à transmettre : “Travail, rigueur et plaisir”, affirme-t-elle avec conviction. “En 1999, j’avais monté une première section sportive en collège à Villeurbanne. Et en 2001, on a pu faire la même chose au lycée Robert-Doisneau, à Vaulx-en-Velin”. Depuis, elle ne quitte plus ni la ville ni le lycée, où le pôle espoir est créé en 2009. En cinq ans d’existence, ses effectifs sont passés de 13 la première année à 21 footballeuses pour cette saison. La capacité maximale se situe à 24 jeunes filles. Elles sont issues de cinq ligues régionales alentour(1) et recrutées via un concours national.

Du rêve à la réalité

Même si elles ont été sélectionnées – on pourrait même dire triées sur le volet – en fonction de leurs capacités footballistiques et de leurs compétences scolaires, toutes ne seront pas des championnes demain. Bien sûr, il y a eu Candice Gherbi, championne du monde U17, qui joue maintenant à l’AS Saint-Etienne. Il y a Camille Abily et Sonia Bompastor, consacrées marraines du pôle et qui ont intégré l’OL. Sur la promotion de l’an passé, deux footballeuses évoluent en D1, et cinq en D2. Parmi toutes celles qui sont passées par le pôle espoir, certaines évoluent dans le milieu du foot ou, plus généralement, dans le milieu sportif. “Mais la majorité n’en vit pas”, remarque Cécile Locatelli.

D’autres lycéennes du pôle Espoir poursuivront ensuite des études comme l’ont fait les promotions précédentes : droit, médecine, BTS... Comme n’importe quelle élève assidue. Leur cursus leur donne cette chance : “On met tout en œuvre pour garantir qu’elles puissent mener de front leurs études et leur cursus de footballeuse”, note Bernard Rosier, proviseur au lycée Doisneau. Elles peuvent ainsi bénéficier d’études surveillées le soir. Résultat : l’an passé au baccalauréat, 100% de réussite.
Ce “double pari” s’appuie sur un encadrement hors pair, étayé par un emploi du temps réglé comme du papier à musique. Certes, “c’est un casse-tête, reconnaît en souriant Bernard Rosier, mais l’ensemble du pôle doit pouvoir se retrouver à l’entraînement cinq jours sur sept, après les cours”. Entre le lever et le retour au dortoir à 21h 30, les journées des jeunes-filles sont particulièrement remplies. Après le petit déjeuner qu’elles prennent en commun avec les autres internes – soit une cinquantaine entre le pôle foot, le pôle cirque et des élèves dits “d’excellence” –, c’est le début des cours : il est 8 heures. Comme les footballeuses sont réparties entre les clas- ses de seconde, première et terminale, elles se retrouveront vers 16 heures au stade Ladoumègue, au Pont des Planches. C’est là qu’elles s’entraînent quatre soirs par semaine, sous la houlette de Cécile Locatelli. Le lundi, elles restent au gymnase du lycée, entourées de l’équipe des préparateurs physiques : le kinésithérapeute, l’ostéopathe, la sophrologue, la diététicienne... A tout moment, si le besoin s’en fait sentir, elles peuvent appeler le médecin traitant.

Personne sur la touche !

Retour au stade Ladoumègue. Ce jour- là, il y a les bleues contre les jaunes, deux équipes qui s’affrontent sous un grand soleil ... “Adaptez-vous, au lieu de faire des trucs comme ça... pourquoi tu fais cette passe si basse ?”, lance Cécile de sa voix tonitruante. Elle ne lâche pas des yeux les joueuses, tout comme Yohann Vivier, l’entraîneur des gardiennes et suppléant de Cécile. “Qu’est-ce qui s’est passé ? Vous aviez des repères sur les carrés par rapport à vos adversaires ...”. Cécile explique, analyse la passe mal faite, revient sur la technique. “Apprendre les bons gestes, c’est essentiel”, commente à voix basse Yohann qui, comme tous les encadrants du pôle Espoir, est autant attentif à la technique qu’à la santé des unes et des autres.

“J’en ai trop vu, des sportifs cassés avant l’âge”, nous expliquera plus tard Cécile Locatelli. Ici, tous s’accordent à le dire, les sportives de haut niveau apprennent à connaître leur corps et à reconnaître les douleurs s’il y en a. “Elles ont des qualités physiques indéniables, ajoute Michel Cordier, professeur d’éducation physique. Elles apprennent aussi à identifier les premiers gestes de prévention”. Car à un tel niveau, les blessures ne sont pas rares. Et souvent, le week-end, il y a match... Qu’elles viennent de Rhône-Alpes ou d’ailleurs, chacune rejoint son club et tente de le faire progresser.

“Quitter sa famille n’est pas évident”

A tous, il faut montrer que les élèves sont prises au sérieux à tous les niveaux et que l’accueil des footballeuses à Doisneau est conçu de façon complémentaire, entre la ligue Rhône-Alpes de football qui cofinance le pôle Espoir(2) et l’Education nationale.

“Avant d’intégrer le pôle, les futures joueuses rentrent au lycée dix jours avant les autres, souligne Bernard Rosier... Histoire d’établir un bilan physique, mais aussi d’avoir le temps de prendre ses marques et de ne pas se sen- tir déphasées au moment de la rentrée”. “Il ne faut pas perdre de vue que certaines ont à peine 16 ans quand elles arrivent ici. Quitter sa famille, ses amis et se retrouver très loin de chez soi n’est pas évident”, commente Bernard Rosier. Cette année, une Cannoise a intégré le pôle. Il a fallu aussi rassurer les parents : entre la Côte d’Azur et Vaulx-en-Velin, quoi de commun ? La passion du foot qui se lit sur le visage de ces jeunes-filles.

Le pôle est devenu un atout pour le lycée comme pour la Ville qui reste attentive à ses demandes. La Région aussi, qui a fait construire un vestiaire “à faire pâlir d’envie bien des clubs”. De quoi faire bouger les clichés sur le sport au féminin et sur le football en particulier.

(1)Les 5 ligues régionales concernées sont celles de Rhône-Alpes, Auvergne, Bourgogne, Franche- Comté et Méditerranée.
(2)Le pôle Espoir bénéficie d’un budget de 100 000 euros (Ligue de football Rhône-Alpes, Région, Education nationale, direction de la Jeunesse et des sports)

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