Journal N°35 /
Bernard Pouget

En trente ans d’activité, Bernard Pouget a vu le centre-ville se transformer. Une transformation à laquelle il a participé, même dans les moments les plus difficiles à travers notamment l’association des commerçants de Centre Vie.

Loin d’une carrière plan-plan, Bernard Pouget a passé trente ans au centre-ville, trente ans parfois mouvementés au gré des évènements et des transformations urbaines. C’est pourtant avec un pincement au cœur qu’à tout juste 60 ans, il quitte sa pharmacie et les Vaudais qui ont partagé avec lui leurs soucis de santé, mais bien plus encore, des relations quasi familiales. “J’ai soigné trois générations de Vaudais, je les connais bien, c’est difficile de les laisser...”.

Son regard se tourne vers ce passé qui a construit sa relation toute aussi intime avec la ville. Ce Lyonnais commence sa carrière à la Croix-Rousse puis à Vénissieux. Quand une pharmacie se vend au Grand-Vire en 1981 il se lance, associé à une autre pharmacienne. “Auchan venait d’arriver, on nous promettait monts et merveilles. Il y eu aussi Ikea avec un million de visiteurs en 1985”.

Une période faste, en somme. “Mais les problèmes se sont accumulés, poursuit Bernard Pouget. La galerie marchande était mal conçue, mal isolée, il y avait des courants d’air partout. Et la direction d’Auchan n’a jamais fait les travaux nécessaires pour déplacer ses caisses. Puis le Grand-Vire a été vendu et là, les choses ont périclité. Sans compter avec les événements de 1990”.

Petit à petit la clientèle ne vient plus, les enseignes fuient la galerie marchande. “J’ai bien cru faire faillite, commente le pharmacien qui venait de racheter les parts de son associée. J’ai réduit le personnel et nous avons tenu, tant bien que mal”. Toujours en 1990, la Société d’équipement du Rhône et de Lyon (Serl) reprend la gestion du projet Grand-Vire et des commerces. “Avec la volonté, affirme Bernard Pouget, de redynamiser les commerces au centre-ville”.

Dans le même temps, le pharmacien relance, avec d’autres commerçants, l’association des commerçants du centre-ville, Centre Vie, dont il devient le président. Après la fermeture définitive d’Auchan en 1992, impossible de commercialiser la galerie marchande : “La période a été très difficile, la galerie était déserte, avec seulement quatre ou cinq boutiques, le tabac, trois banques et deux pharmacies”.

Au milieu des années 90, naît le projet d’un nouveau centre-ville puis la construction du Planétarium puis du lycée Doisneau. En 1997, l’Etat met en place les Zone franches urbaines. “Ça m’a sauvé, concède Bernard Pouget. J’ai ainsi pu garder le personnel”. La même année, Casino s’installe à Vaulx-en-Velin. Deux ans plus tard, le Grand-Vire est démoli, le centre-ville se reconstruit avec des logements et des espaces publics et les commerces du Grand-Vire sont installés en pied d’immeuble. “On ne pouvait pas mettre deux pharmacies. La seule solution pour ne pas en perdre une, c’était de construire un immeuble”. Bernard Pouget le pharmacien devient entrepreneur par obligation. Il construit alors un bâtiment destiné à accueillir des entreprises et sa pharmacie en pied d’immeuble, face à Casino. Il s’endette, mais l’opération s’avèrera payante. La pharmacie fait aujourd’hui partie du paysage local, l’implantation des bureaux est réussie. “On doit ce centre-ville à la volonté publique et notamment à celle de Maurice Charrier. Je suis admiratif de sa pugnacité”, rend-il hommage à l’ancien maire de Vaulx-en-Velin. Douze ans après la démolition du Grand-Vire, l’association des commerçants est toujours active : “On a conservé, et c’est extraordinaire, la même structure que dans un centre commercial : chaque commerçant doit adhérer. C’est une chance pour mettre en place des animations et maintenir un niveau de qualité”. Bernard Pouget a vendu sa pharmacie et l’immeuble qui va avec. Il va se consacrer à l’ébénisterie – “le métier de mon père, je suis pharmacien mais c’est accessoire, j’aime travailler le bois”. Et, “pouvoir enfin voyager”. Son seul regret en quittant Vaulx-en-Velin : “On a toujours ce pont de Cusset et une ville de plus de quarante mille habitants où l’on entre avec un stop et sans signalétique !”.

E.G