Journal N°38 /
Armen Paronikyan

Dans l’attente de son statut de réfugié politique, ce musicien, installé en France depuis deux ans, se bat pour pouvoir partager sa passion, à Vaulx-en-Velin ou ailleurs.

“Je pense que je peux être utile ici en France en tant qu’homme et en tant que musicien”, sourit Armen Paronikyan, vibraphoniste d’origine arménienne. Il n’a pas tort car les vibraphonistes sont rares : “Nous sommes deux à Lyon”, soutient-il. Cet instrument de percussion, muni d’une pédale, peut servir tout autant la musique classique que le jazz. Et si Arman se considère plutôt comme un jazzman, il parle aussi avec passion de Bach ou Vivaldi. Aujourd’hui, c’est le jazz qui l’emporte dans son cœur, car c’est par ce genre qu’il a pu pénétrer l’univers musical lyonnais et vaudais. “J’ai joué deux fois au centre culturel Charlie-Chaplin pendant le festival de jazz et je vais jouer le 21 octobre au Hot club de Lyon pour la deuxième fois”. Une expérience qu’il entend bien faire perdurer, “car la musique, c’est la vie. Si je suis triste, je joue et la tristesse s’efface, je suis comme un enfant. C’est elle et le public qui me transmettent cette énergie vitale”, confie-t-il.

De l’énergie, Armen en déploie depuis de nombreuses années pour se frayer un chemin dans l’univers du jazz. Né dans le Caucase, il y a 41 ans, le musicien a été en prise directe avec les événements dramatiques qui ont secoué cette partie du monde : “Lorsque la guerre a éclaté entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en 1988, j’avais 18 ans. Avec ma famille, nous sommes partis en Russie”. Armen fuit ce conflit interethnique avec l’espoir de pouvoir s’adonner à la passion qui l’habite. Il a la chance d’être largement soutenu par son père: “C’est en regardant des émissions musicales à la télévision, en écoutant des concerts que j’ai découvert le jazz et le vibraphone. Mon père a cherché dans tout Moscou un professeur et a fini par le trouver”. Enfin, le rêve semble pouvoir devenir réalité, à savoir embrasser une carrière de musicien. Mais c’était sans compter l’effondrement de l’Union soviétique survenu en 1991. Un climat de tension s’installe dans la capitale russe vis-à-vis des populations caucasiennes. “Au temps de l’Union soviétique, je travaillais normalement. C’est après que la situation s’est détériorée, car le racisme s’est développé. J’ai reçu des menaces de mort de la part de skinheads et j’ai fini par fuir de nouveau, mais cette fois-ci, avec ma femme et mes deux enfants”, relate Armen. L’arrivée en France est vécue comme un nouvel espoir : “Ici, j’ai la chance de pouvoir jouer avec de très bons musiciens. Je les admire, car pour atteindre un bon niveau en musique, il faut faire beaucoup d’efforts. J’espère travailler normalement, mais je suis dans l’attente de mon statut de réfugié politique. Et tout va dépendre de la réponse”. Aidé par Forum réfugiés, le Secours populaire vaudais, le conservatoire de Vaulx-en-Velin et la Ville, Armen Paronikyan espère bien avoir l’occasion “de jouer gratuitement pour tous ceux qui me soutiennent ici”.

En attendant, il répète dans une salle du conservatoire qui a mis à sa disposition un vibraphone, en vue de son prochain concert au Hot club. Et de citer les musiciens avec qui il jouera et que le public lyonnais a déjà eu l’occasion d’apprécier : “Ludovic Yapoudjian, pianiste, Karim Adadi, guitariste, Christophe Lincontang, contrebassiste, Cédric Perrot, batteur. Avec eux, le courant est tout de suite passé. C’est la force de l’improvisation, nous pouvons jouer en parfaite harmonie sans avoir beaucoup répété ensemble auparavant. C’est pour cela que j’aime beaucoup le jazz”, souligne Armen.

Jeanne Paillard

Contact : Armen Paronikyan. Tel : 07 60 11 20 55. paronikyan73@mail.ru