Journal N°43 /
Alexia, Côme et Maud

Ces trois jeunes comédiens apportent en effet leur vision du théâtre et de Tartuffe 2012, la pièce présentée en janvier à Chaplin dans le cadre de la résidence de Laurent Vercelletto et dont il font partie de la distribution.

Il y a le “mec cool”, l’intello dilettante un brin torturée et Alexia–vous-allez-encore-dire-que-je-suis-folle. Oui mais Alexia vous venez quand même d’expliquer le transport émotionnel que vous procurent la lecture de magazines scientifiques et la physique quantique. “Pourtant j’y pane rien”, assure celle qui avec Côme Thieulin, 29 ans, et Maud Roulet, 25 printemps, vient de décrocher son diplôme de l’Ensatt (Ecole nationale supérieur des arts et techniques du théâtre). Et joueront du 18 au 27 janvier dans Tartuffe 2012, mis en scène par Laurent Vercelletto. Maud, grande, élancée, longs cheveux noirs, incarne Elmire, la deuxième femme d’Orgon. “Laurent voulait une actrice jeune.” Tout comme pour interpréter Marianne (Alexia Chandon-Piazza) et son frère Damis (Côme). Afin notamment de souligner le manque d’autorité d’Elmire. Rappelons que Damis et Marianne sont les enfants qu’Orgon a eus lors de son premier mariage, et qu’Orgon souhaite forcer Marianne à épouser Tartuffe, le faux dévot. Les jeunes membres de ce trio si complice affichent des parcours contrastés. “A l’école cela ne marchait pas”, sourit Côme, plus porté alors à faire le mariole “pour attirer les regards”. Un premier signe que la comédie est faite pour lui. “C’est la seule chose qui peut me faire lever le matin”. Côme est de ces êtres qui semblent flotter dans la vie, que rien n’atteint, assurés, tant que la bouée empêchant de sombrer est agrippée. Ici le théâtre. Maud, un peu son opposé, lit beaucoup, tout le temps, de tout, fonctionne par phases, en ce moment Duras, a failli devenir journaliste après des études de lettres modernes à la Sorbonne, et a finalement osé muer sa passion pour les planches en métier. Alexia, née à Lyon il y a 23 ans, a quasiment grandi sur scène, membre d’une chorale d’enfants, elle a sillonné le monde à l’âge où certains se tuent la jeunesse à tracer de parfaits dodécagones pour le pointilleux prof de géométrie.

Bain de théâtre

Après un an d’études en Angleterre elle refranchit la Manche, une admiration pour Shakespeare dans son balluchon, et tente tout naturellement le concours d’entrée à l’Ensatt. Décisif point commun chez nos comédiens : l’immense place occupée par les arts dans leur éducation, leur scolarité, au rythme des ateliers de théâtre. Le père de Maud lui a lancé avec humour : “Je n’aurais jamais dû t’emmener voir tant de pièces”. La famille de Côme donnant dans l’intello acharné, si le terme n’était négativement connoté. Transmettre l’amour du spectacle, tel était aussi le souci de la maman d’Alexia qui avait d’ailleurs un curieux métier : concevoir des machines à laver. Bon sang mais c’est bien sûr ! Doux traumatisme d’une enfance à démantibuler les tambours quand les copines promènent innocemment la poussette de leur poupée préférée... De quoi finir abonnée à Sciences et vie.

La mémoire en cauchemar

Si Maud a peu joué de théâtre classique, plus Pinter que Molière, elle avoue tout de même “un gros faible pour Feydeau”. A l’inverse Côme en a-t-il toujours été proche, même si Tartuffe reste une découverte. “Et une belle découverte”, insiste-t-il. Et justement ses alexandrins, cela impressionne ? “J’ai un peu flippé, confirme Alexia, mais Laurent nous a aidés en nous fournissant un texte où les vers étaient parfois enchaînés. L’œuvre devient plus fluide”. Etonnante Alexia qui conçoit le théâtre sans carcans, comme un spectacle vivant total où d’autres disciplines se greffent, où le texte n’est plus obligatoire. Capable de se recroqueviller sur sa chaise, dans son monde, silencieuse, puis de soudainement dresser les bras en l’air, les agiter, pour évoquer ce “théâtre hyper contemporain, hybride, proche d’installations d’art contemporain”, s’enflamme-t-elle.

Quand Maud et Côme notent qu’ils font le même récurrent cauchemar. “Je me retrouve à devoir jouer alors que je ne sais plus mon texte”, se lamente-t-il. “Moi aussi”, lance cette éternelle angoissée qui ne comprendra jamais pourquoi ses petits camarades ne paniquent pas des mois avant la première. Ces deux parisiens mémorisent pourtant assez facilement leurs textes. Quand pour Alexia, qui “déteste apprendre”, la tâche est plus laborieuse. Elle avoue même avoir recours à des stratagèmes personnels et ingénieux : “Je m’enregistre en lisant le texte des autres et laissant du blanc sur mes passages. C’est une façon de me donner la réplique à moi-même”. Derniers maux pour Maud : “Avant de rentrer sur scène, je me demande ce que je fous là”. Rassurez-vous, nous, on le sait très bien...

Stéphane Legras

Pratique : Tartuffe 2012, création en résidence par la Cie LucaThéâtre, du 18 au 27 janvier. Renseignements et réservations au 04 72 04 81 18/19 et www.centrecharliechaplin.com

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