Journal N°43 /
Claire Bernard

Administratrice de l’association Dans tous les sens, cette passionnée d’arts se sent plus à l’aise côté administration que création. Une véritable artiste du bilan comptable.

L’eau et le feu : n’ayons pas peur des clichés quand ils sonnent juste. Claire Bernard tutoie les contrastes, jongle avec les contraires et se joue des oxymores. Arrivée en juillet à l’association Dans tous les sens, spécialisée dans les ateliers d’écriture, elle en est l’administratrice. Son rôle ? Imposer des contraintes aux participants en les invitant à glisser Fenwick dans leurs textes ? Les inciter à écrire en évitant d’utiliser la lettre “e” ? Que nenni. “Je ne touche pas à l’artistique mais cela ne me gène pas, je n’ai pas d’imagination”, tranche-t-elle de sa douce voix, pourtant impitoyable avec elle-même. Et poursuit : “Je gère l’administratif, les relations humaines, la comptabilité, j’adore ça”. Pardon ? Comptabilité ? Adorer ? Mais, oui, au point d’envisager “une formation dans ce domaine”. Rigoureuse, Claire est une femme de défis : “J’aime encadrer les projets, les faire aboutir avec les moyens, même réduits, dont je dispose”, confirme-t-elle. Austère, Claire ? Toujours pas, plutôt lumineuse. “Actuellement, il y a le bilan et le compte de résultat”, cela dit d’une voix gourmande. Semblable élan pour évoquer les arts. Abonnée aux Célestins, elle est intarissable sur un récent concert de Keren Ann au Transbordeur. Mais sa grande passion demeure le cinéma. Après avoir étudié le septième art et décroché un master 2 d’administrateur de projets culturels, elle a effectué un long stage au festival Lumière. Lucide, délicatement sans concession, elle avoue que “les fans de cinéma ont tous un petit côté voyeur. Un film me permet de me projeter dans d’autres vies, de rêver et de voyager”, lance-t-elle passionnée. Comme lorsqu’elle parle musique. Une flamme qui parviendrait à traîner un fan de hard-rock à un concert de musique contemporaine. Retour au cinéma et aux contrastes : Claire adore les productions hollywoodiennes des années 30 à 60, défend bec et ongles le précieux cinéma asiatique, mais décoche des flèches assassines à Luc Besson ou Jean-Pierre Jeunet. Alejandro Iñárritu ? Elle s’enflamme : “Ses films prennent le spectateur émotionnellement en otage, ils me mettent en colère !”. On l’imagine alors lancer sa chaussure de rage contre l’écran.

A 26 ans, cette Stéphanoise regrette que son avenir au sein de Dans tous les sens soit incertain. “Je suis en contrat aidé et ils sont de plus en plus balisés. C’est dommage, cette expérience est très intéressante”, se félicite-t-elle. Curieuse et ouverte elle se pique de théâtre, de danse et de littérature, ne restant pas enfermée dans la gaine de sa cinéphilie. Claire se plonge dans les classiques et se délecte du style de James Ellroy mais “déteste le pathos à deux balles” d’un des plus gros vendeurs de bouquins en France, ou la p(r)ose de Frédéric Beigbeder. Mais n’insistons pas, on la voit déjà porter sa main à sa deuxième chaussure, le regard gentiment menaçant...

S.L