Archives / Journal N°52 - mardi 15 mai 2012

Etrangers dans la Résistance, hommage aux FTP-MOI

Les souvenirs de Pierre Micolini sont intacts. Il avait une quinzaine d’années pendant la Seconde Guerre mondiale. Son père, Fiorello, a été l’un des membres de la direction de la Main d’œuvre immigrée (MOI) en zone Sud. C’est à lui et à tous les étrangers dans la Résistance que l’Association nationale des anciens combattants et Ami(e)s de la Résistance (Anacr) et la Ville ont souhaité rendre hommage, à l’occasion de la commémoration de la Journée de la Résistance, le 27 mai. Une journée qui célèbre la création du Conseil national de la Résistance en 1943 et dont l’Anacr demande toujours qu’elle soit reconnue officiellement comme journée nationale. L’Anacr et la Ville poseront donc une plaque au nom de Fiorello Micolini et une conférence sur le rôle des étrangers durant cette période dans la région lyonnaise sera donnée par Claude Colin, de l’Université de Grenoble. Fiorello Micolini est arrivé d’Italie en 1922, fuyant le fascisme. Engagé au parti communiste français, il se charge de rassembler les Italiens immigrés comme lui, d’abord avec l’Union populaire italienne puis avec la Main d’œuvre immigrée (MOI). Les organisations antifascistes sont alors un vivier pour les Républicains. Ils y recrutent des combattants pour les Brigades internationales pendant la guerre d’Espagne. Puis la Seconde Guerre mondiale éclate et Fiorello Micolini s’engage tout naturellement dans la Résistance : “Les MOI étaient composées en général d’anciens militants antifascistes de Polgne, Italie, Allemagne, Espagne, Hongrie... On avait déjà lutté dans nos pays d’origine contre le fascisme”, témoignait-il en 1974. Ce que confirme Pierre Micolini : “En tant que militant anti-fasciste, mon père avait déjà connu la clandestinité. Il était organisé, ne fréquentait pas les cafés, ne parlait pas à n’importe qui”. Une prudence jusque dans l’organisation des MOI : des groupes de trois personnes et un seul dans ces groupes avait des contact avec un autre groupe. Bien sûr, les noms d’emprunt étaient de rigueur : “Je m’appelais Polonia pendant une vingtaine d’années avant la guerre, Pierre sous l’occupation”, affirmait Micolini. Pierre, comme le nom de son fils. “Mon père m’adorait tout autant que je l’adorais, c’était un homme très gentil”, confie Pierre Micolini avec émotion. Si la famille Micolini habite rue de France à Villeurbanne, les liens avec Vaulx-en-Velin sont étroits : Jean Peyri qui avait une ronéo pour les tracts, Tita Coïs lui aussi MOI et chez la sœur duquel s’est caché Fiorello Micolini quand il a su que la police allait l’arrêter... Et Pierre, alors apprentis, de faire l’agent de liaison pour son père : “Je mettais les plis dans le tube du guidon de mon vélo pour les acheminer jusqu’à Vaulx-en-Velin. J’ai failli me faire prendre plusieurs fois par les Allemands. Mon père me disait : Si tu es arrêté, ne dis rien car si tu donnes un seul nom, tu es mort. Si tu ne dis rien, tu as une chance d’être sauvé”.

Ces hommes risquaient leur vie pour éditer des tracts, des faux papiers, “ils pouvaient mourir pour leurs idées, confie Pierre Micolini. Qui est prêt aujourd’hui à mourir pour des idées ? Il faut que la jeunesse sache ce qu’il s’est passé car rien ne dit que c’est fini, jamais, ça peut revenir. Et la meilleure façon de s’en protéger, c’est d’en parler”. Ce qu’a fait son père en témoignant auprès des jeunes.

Edith Gatuing

Exposition : Les Résistants Vaudais

Inaugurée le 27 avril, l'exposition Les Résistants Vaudais, réalisée par l'association Mémoires avec l'Anacr dans le cadre de la manifestation Une ville, des mémoires, met l'accent sur tous ces hommes et femmes, plus d'une cinquantaine de Vaudais, qui ont, au péril de leur vie, défendu la France et leur idéal de liberté. Leurs photos nous rappellent que, “instruits à l'école laïque républicaine, ils étaient prêts à sacrifier leur jeunesse et leur vie”, notait Monique Martin, présidente de l'association Mémoires lors de l'inauguration de l'exposition. Une exposition visible d’abord à l'Hôtel de ville et le 29 mai au cinéma Les Amphis, pour découvrir et parfois s'étonner, comme Monique Martin, “de leur nombre important dans une ville d'à peine huit milles âmes à l'époque”. Les visiteurs retrouveront des noms connus, comme ceux de René Carrier, Jean Capievic et Robert Many, anciens maires de Vaulx-en-Velin. D'autres dont le nom est aujourd'hui apposé au coin d'une rue, comme Tita Coïs, Jean-Marie Merle, Georges Rougé, Gilbert Boissier... D'autres, comme Marcel Roche et Louis Rossi sont encore là et font vivre cette mémoire.

Pratique : l’association Mémoires (15, rue Franklin au Village) lance un appel pour compléter ses archives sur les Résistants Vaudais.

Contact : Monique Martin au 04 72 37 80 07.

Les Résistants Vaudais : Eugène et Paul Sauzay, Jean Perret, Robert Many, Robert Lagès, Rosette Arp, Jean Brunel, Georges Rougé, Georges Chevallier, Stanislas Bozi, Roger Laurent, Marcel et Renée Roche, Noël Carmellino, Gilbert Boissier, Pierre Martin, Felice Henri dit Bruno, Auguste et Justine Blanc et leurs enfants Pierre, Olga et Simone, Jean et Emile Bertrand (Décines), Joseph Blein, Marius Grosso, André Werth, René Trousselle, Georges Geoffray, Fiorello Micolini, Pierre Ducognon, Jean Capievic, Tita Coïs, Marius Pied, Jean-Marie Merle, René Baumer, Marie-Louise Baumer, Antonio Sotto, Michel Fernandez, Louis Rossi dit Vernet et son frère Lucien Rossi, René Carrier.

Le personnel de l'usine Tase (Textile artificiel du Sud Est) mort pour la France : Roger Alexandre, Marc Alphaisan, André Chanroux, Daniel Magnin, Gino Nelli, André Plantier, Henri Ribagnac, René Agi, Satnislas Bozi, Berelli Groner, René Roux, Charles Vanden-Breden, François Vernaton, Oreste Zenezini.

D’une commémoration à l’autre

67e anniversaire de la libération des camps nazis, victoire du 8 mai 1945 ou célébration de l’abolition de l’esclavage... Et “plus jamais cela” repris comme une antienne. Répétée par les associations, notamment de Résistants et d’anciens combattants, et les élus, le 29 avril et le 10 mai place de la Nation, et le 8 mai devant le monument aux Morts, rue de la République. Où des collégiens de Duclos ont lu des poèmes, avant les chants des écoliers de Courcelles et Mistral. Comme un symbole de l’indispensable transmission du souvenir, de l’histoire, volonté qui anime au cours du mois de mai à Vaulx la série de manifestations Une ville, des mémoires. Le maire rappelant lors de ces commémorations l’indispensable “construction d’une société plus humaine” et de s’inquiéter à nouveau de la montée actuelle d’idéologies racistes et xénophobes et de nouvelles formes d’esclavage.

Julien Matéo et Monique Martin décorés

A l’occasion de la commémoration du 8 mai 1945, Julien Matéo a reçu le diplôme et la médaille d’honneur de la Fédération nationale des anciens combattants d’Algérie, Maroc, Tunisie (Fnaca). Des distinctions saluant son travail au sein du comité vaudais de la Fnaca, qu’il a notamment contribué à créer. Quant à Monique Martin, la chef de chœur des Ans chanteurs, elle a reçu la médaille de la Ville à l’issue de la cérémonie d’hommage aux victimes de la déportation.

Dernier volet de la manifestation Une ville, des mémoires, c’est par un hommage aux étrangers dans la Résistance que l’Anacr et la Ville vont commémorer la création du Conseil national de la Résistance, le 27 mai 1943. Avec la pause d’une plaque en l’honneur de Fiorello Micolini et une conférence sur les bataillons Carmagnole et Liberté.

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