Archives / Journal N°54 - mardi 19 juin 2012

Les abeilles : petites mains de la biodiversite

La reine n’avait pas de chapeau bariolé mais une robe rayée. Jaune et noire. Et ses milliers de sujets organisés faut voir comme. Et sans elles, en quelques années, fruits et légumes ne seraient plus que souvenirs. Elles ? Les abeilles, qui avec les bourdons et autres papillons assurent 80% de la pollinisation. Passage incontournable pour assurer la vie et la diversité des végétaux. Un délice libéral : ces jolies ouvrières bossent gratuitement, pour la beauté du geste et la douceur des pots de miel...

Malheureusement, leur vie est plus dure depuis une vingtaine d’années. Les colonies baissent dangereusement. Du coup, particuliers, associations et pouvoirs publics implantent de plus en plus de ruches et notamment dans les grandes agglomérations et leur périphérie. On ne compte ainsi plus les toits d’opéras transformés en ruchers. A Lille ou Paris, le “bzz bzz” de Maya a remplacé les vocalises de la Callas. Lyon participe quant à elle au projet Urbanbees, financé à hauteur d’un million d’euros par le programme européen Life +, et mène une étude à grande échelle afin d’améliorer leurs conditions de vie. Prenons ici la direction du Grand parc de Miribel-Jonage et sa ferme des Allivoz où l’on a installé dans le cadre du fameux programme, des habitations naturelles, comparables à des hôtels pour abeilles. “Le but est de susciter la diversité des espèces en favorisant leur séjour”, explique André Vincent, administrateur du Symalim, propriétaire du site. Voici pour le gîte. Quant au couvert, Christian Bardin, vice-président chargé des espaces naturels et agricoles périurbains, ne le voit assuré que par la réintroduction de haies et de fleurs.

Le Grand parc se fait même tout miel avec les butineuses puisqu’il a implanté six ruches en 2010. “Au départ, il ne s’agissait pas de produire du miel mais de préserver la biodiversité de la zone où l’on retrouve notamment de nombreux agriculteurs et maraîchers”, poursuit Christian Bardin. Mécaniquement, ces ruches ont tout de même produit 140 kilos la première année, et puisqu’ils comptent doubler le cheptel, ils espèrent 250 kilos lors de la prochaine récolte. Et en bons adeptes des circuits courts, ils vendent leur précieux nectar sous leur tout récent label Saveurs du Grand parc. Le vice-président voit dans l’expérience un moyen d’éduquer au goût, de tisser du lien. “Les citadins comprennent que le miel ne tombe pas du ciel mais est fabriqué”, insiste-t-il. Un peu de pédagogie : le nectar ne vient pas des arbres à miel, enfin pas directement. En découle l’impérieuse nécessité de protéger les colonies. Au point que certains particuliers se lancent. Si à Vaulx-en-Velin, on trouve peu de ruches (voir encadré), Christine Bertin vient de monter avec Monique Albert et Didier Michaud, dont le grand père était apiculteur, l’Assapi (association apicole). “Je désirais mettre un rucher dans mon verger, pas pour récolter du miel mais pour favoriser la pollinisation. Et à force d’en parler autour de moi, j’ai constaté que le sujet passionnait”, explique-t-elle. Qui pour réveiller de doux souvenirs, qui séduit par l’organisation des abeilles ou tout simplement par goût du miel. Du coup, l’assemblée générale constitutive de son association destinée à fédérer les bonnes volontés et protéger la nature et l’environnement en réduisant par exemple l’utilisation de produits nocifs, se tiendra le vendredi 22 juin à 19h à la salle du Bourg (55, avenue de la République). Côté diversité, un dernier exemple de l’apport de ces insectes : il existe plus de mille espèces d’abeilles.

Des ruches pour mesurer la pollution

Winnie l'ourson, main engluée dans son pot favori ne s’en doutait pas. Mais son carburant sucré est un moyen pour mesurer la pollution, aux côtés de la cire, du pollen et des abeilles, meilleurs révélateurs. L’association Naturama a donc mis en place en 2011 des ruchers observatoires avec l’aide du Grand-Lyon. Implantés à Vénissieux, Dardilly ou Saint-Genis-Laval, l’analyse du miel qu’ils produisent permet d’identifier trois types de polluants : les pesticides, les métaux lourds et les hydrocarbures aromatiques polycycliques. Tous trois issus d’activités humaines. “Les abeilles domestiques butinent toutes les fleurs dans un rayon de trois kilomètres autour de la ruche, ce qui permet d’avoir une vision globale de la qualité environnementale de l’agglomération lyonnaise. Nous avons réalisé une cartographie des 240 polluants détectés. Nous souhaitons mettre en place un baromètre environnemental pour alerter les populations urbaines”, souligne Christophe Darpheuil, directeur de l’association. Henri Clément, de l’Union nationale de l’apiculture française, note quant à lui que “l’abeille est la première victime des insecticides et pesticides utilisés en agriculture”.

Le bal du pollen

Des dizaines de milliers d’abeilles, une reine dans son palais : la ruche. Lieu d’habitation et de stockage du fruit de leur travail. Et comme ces jeunes filles font des allers retours incessants entre cette boîte de bois et les plantes, mieux vaut ne pas se trouver sur leur passage et donc toujours passer derrière la fameuse ruche. Comme avec les routes, on ne traverse pas devant un 33 tonnes, c’est dangereux. Elles construisent trois types d’alvéoles qu’elles remplissent de miel, couvain (les œufs de la reine) ou de pollen, c’est à dire de nectar. Toutes les alvéoles sont construites sur des plaques de la ruche. Une fois celles contenant le miel remplies, reste à le récupérer, en ouvrant la fameuse boîte aux pans d’or. L’apiculteur se protège alors avec une sorte de scaphandre et en pressant sur un petit soufflet. La fumée produite calme nos bestioles. Tout au long de l’année, il est leur pilote, les surveille et vérifie qu’une deuxième reine n’est pas en train d’être élevée pour aller installer un autre essaim ailleurs. Simple à remarquer : son alvéole grossit, telle le strapontin devenant trône. La vénérable dame est en effet quatre fois plus grosse que ses petites camarades.

Miel made in chez moi

A chaque petit déjeuner sa tartine de miel. “J’en ai toujours raffolé, confirme Hugues Lohmann, alors quand un ami m’a dit chercher un emplacement pour installer des ruches et produire du miel en ville, j’ai sauté sur l’occasion”. Il y a un an, ils ont donc monté une première boîte en bois sur le toit tout plat de son pavillon du Pont des planches. Un endroit idéal, au milieu des arbres fruitiers et des jardins fleuris du quartier qui répond aux recommandations en vigueur. Pour l’instant ils n’ont pas encore récolté de précieux nectar, mais cela ne saurait tarder. Juste ont-il récupéré deux essaims d’abeilles dans son figuier. Essaims qui habitent maintenant deux nouvelles ruches. Hugues Lohman agit pour se lécher les babines mais aussi, surtout, pour favoriser la diversité de l’environnement, que tout le quartier profite de la pollinisation de ses abeilles. “D’autant que le miel est un produit naturel qui soigne beaucoup de choses”, poursuit-il.

Comme souvent avec les apiculteurs amateurs, et même s’il n’est encore qu’au stade du débutant qui ne demande qu’à apprendre, Hugues parle avec amour et tendresse de ses petites travailleuses. “Je suis en quelque sorte une famille d’accueil pour elles”, sourit-il. Un famille où son fils, Aurélien, 11 ans, n’est pas le dernier à s’y intéresser et pourquoi pas à reprendre le flambeau. D’autant que manger le miel produit sur son propre toit est “une expérience unique”.

Mille et une vertus reconnues depuis l’Antiquite

Chacun sa madeleine. Parfois elle avait la douceur du pain d’épice de notre grand mère. Qui avait son producteur de miel attitré. Le seul, l’unique. Hors de question de déroger à la règle. C’est que le produit est bon à plus d’un titre. S’il flatte les papilles il présente également de nombreuses vertus. Antibactérien reconnu depuis l’Antiquité, il était par exemple utilisé pour la cicatrisation des plaies durant les deux guerres mondiales. Voies respiratoires, système cardio-vasculaire ou encore système digestif, ses bienfaits sont nombreux. Une gorge qui brûle dans un hiver glacial ? Une bonne cuillère de miel ! Les plus atteints prétendent qu’en version grog c’est encore plus efficace. Sans oublier qu’il est un moyen plutôt agréable d’atténuer l’acidité d’un yaourt nature. Il était d’ailleurs la source principale de sucre en Europe jusqu’à la fin du Moyen-Age. Signe qui ne trompe pas : certains laboratoires l’incorporent dans leurs productions.

La réglementation dans le Rhône

Toute détention de ruche doit être déclarée en mairie.

Les ruches ne doivent pas être placées à moins de 10 mètres des propriétés voisines quand elles sont implantées en pleine campagne, dans les terres ou les prairies. Sinon, elles doivent être à plus de 20 mètres des habitations, jardins, potagers ou d'agrément, et des voies publiques. 40 mètres si le rucher comporte plus de 8 ruches.

Il n’y a aucune prescription de distance si le rucher est isolé par un mur, une palissade, une haie vive ou sèche, d'une hauteur de 2 mètres minimum et un débordement de 2 mètres de chaque côté des ruches.

Reines de la vie, garantes de la diversité et protectrices de l’environnement, elles sont menacées. Associations, pouvoirs publics et même particuliers multiplient les initiatives pour les préserver. Le miel est d’ailleurs un révélateur de polluants. 

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