Journal N°54 /
Pierre Oliver

Il a fêté ses 85 ans le jour où d’autres célébraient les 80 ans du groupe scolaire Mistral. L’école où, dans les années 30, il a appris à lire et affirmé son esprit rebelle.

Né le 16 juin 1927, Pierre Oliver a grandi au Pont des Planches. “L’appartement où nous vivions à Villeurbanne étant trop petit pour la famille, mon père a construit une baraque dans cette partie de Vaulx-en-Velin où il y avait quelques champs cultivés mais surtout des terres incultes. En 1933, je suis allé à l’école du Pont des Planches. C’était difficile pour moi parce que je parlais à peine français. A la maison, on parlait espagnol”. Des images de l’enfance lui reviennent. Il se souvient de monsieur Colomb, “un homme sévère mais un bon directeur”, de madame Durand, de son institutrice madame Caron, du père Cinquin... “Un jour madame Caron m’a mis au piquet et laissé seul en fermant la classe. C’était au premier étage, je me suis sauvé par la fenêtre. A la maison, mon père m’a mis une raclée”. Pierre était du genre à faire les 400 coups : “Avec mon copain François Marin, on était de vraies terreurs”. Rester sage derrière un pupitre, ça n’était pas son truc. Même si certaines choses lui plaisaient : “L’histoire de France, entonner les chansons républicaines qu’on nous apprenait, faire de la gymnastique”. Il préférait l’école buissonnière, traîner ses galoches sur les chemins, mettre en pratique le savoir transmis par son grand père Pedro, en matière de braconnage. A défaut d’être un as en français et en mathématique, Pierre apprenait à pirater et déjà braver les règles liberticides. “Mon grand-père, c’était mon idole. En Espagne, il avait été chauffeur mécanicien dans les chemins de fer, syndiqué. Impliqué dans des grèves, il a été licencié et forcé de quitter son pays. Exilé en France en 1914, il a travaillé comme scaphandrier à Toulon, mineur à la Ricamarie...”, évoque-t-il.

Souvent absent du fait de ses escapades, Pierre, qui plus est, travaillait chez des paysans à la belle saison : “J’allais à l’école l’hiver. Le reste du temps j’étais placé comme vacher à Courzieu. Je bouquinais en gardant les bêtes”. A 14ans, Pierre a commencé à travailler – chez Lavix, fabricant de poudre à laver – et à militer : “Je distribuais des tracts pour le parti communiste”. Puis il est entré dans la Résistance. En 44, il a participé aux guérillas dans Lyon, s’est replié à Pont-de-Chéruy, a intégré le bataillon Henry-Barbusse et fait face aux allemands à Pusignan. Loin de se prendre pour un héros, il tient à dire : “On n’a pas fait que des choses bien”. Et d’évoquer les pillages de magasins, les hold-up dans des bureaux de tabac. “Après guerre, dit Pierre, j’ai travaillé dans plein de boîtes. Presque tout le temps syndiqué. Je ne restais pas longtemps à la même place, souvent viré. J’ai été fondeur, maçon, peintre, terrassier... 36 métiers, 46 misères, comme on dit”. Il avait sa carte au PC, “prise dans la clandestinité”. Il l’a rendue en 1969. Parce que certaines choses dérogeaient à son exigence de droiture et de justice. Tête dure disent certains. Homme de cœur et d’idéal diraient d’autres.

Fabienne Machura