Portraits / JOURNAL N°105 - mardi 16 décembre 2014

Fabrice Bardet, “il faut reprendre le contrôle des chiffres”

DES CHIFFRES, toujours des chiffres, encore des chiffres. Ils sont partout et, selon l’adage, ils nous gouvernent. Sociétés de notation financière soufflant le chaud et plus souvent le froid, sondages à tout va, taux de chômage et de croissance scrutés à la loupe, chiffre de la délinquance faisant les gros titres... Les exemples ne manquent pas. Des chiffres qui demeurent pour la plupart politisés. C’est la “contre-révolution comptable” selon la formule de Fabrice Bardet, ingénieur à l’Ecole nationale des travaux publics d’Etat (ENTPE) et docteur en Sciences politiques de l'Université de Paris 1, qui vient de sortir un ouvrage à ce sujet.

“Aujourd’hui, nous sommes entourés de trop de chiffres, défend-il. Mais il ne faut surtout pas s’en passer. Le problème, est de savoir desquels a-t-on vraiment besoin. Quel est aujourd’hui le compte de la pénibilité, de la précarisation ou de la fragilisation ? Il faut reprendre le contrôle de ces chiffres !”. Si les statistiques du chômage restent l’alpha et l’Omega de la politique, ils sont pollués par une multitude d’autres indices. Pour l’auteur, les gouvernements ne cherchent plus à prévoir les besoins collectifs sur le long terme, mais se focalisent, à l’inverse, sur l’instant présent et l’aspect individuelle. la querelle de la statistique contre la comptabilité. “Les chiffres sont toujours présentés comme objectifs, scientifiques, de sorte que leur politisation n’est pas explicite. Il faut que l’orientation politique des indices soit assumée par leurs producteurs comme leurs utilisa- teurs afin de les démocratiser”, intime Fabrice Bardet. l’idée d’une agence publique de notation financière européenne proposée par François Hollande, serait un premier pas, selon le chercheur. Ne reste plus qu’à l’appliquer. “Cela et 50 autres choses”. au fil des pages de son ouvrage, le directeur de recherche propose des pistes pour reprendre le contrôle et pourquoi pas, dessiner de nouvelles perspectives de progrès. “Ce que je propose, c’est finale- ment une réforme de société”, résume ce père de deux enfants qui préfère “travailler dans un coin qui a résisté à l’embourgeoisement, plutôt que de courir après des postes plus prestigieux”.

Maxence Knepper

Pratique : Fabrice Bardet, la contre-révolution comptable – Ces chiffres qui (nous) gouvernent, éditions les belles lettres, 23 euros.

Photo © Marion Parent

Ce chercheur à l’ENTPE de 44 ans, dont 25 passées au sein de l’école vaudaise, vient de publier La contre-révolution comptable, aux éditions Les belles lettres. Un livre qui fait la lumière sur l’omniprésence des chiffres qui dictent la loi.

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