Portraits / JOURNAL N°114 - mardi 05 mai 2015

Isabelle Fabre, cinémaniaque

ELLE A BEAU être le capitaine d’un vaisseau amiral du cinéma en Rhône-Alpes, fort de plus de 1 200 000 spectateurs annuels, c’est avec une simplicité déconcertante qu’elle nous accueille dans le grand hall du Pathé Carré de Soie. une humilité qui trouve sûrement son origine dans son par- cours hors norme. A la manière d’un livre de Zola où les petites vendeuses prennent la tête de grands établissements, la vie professionnelle d’Isabelle Fabre a été riche en rebondissements. “A l’origine, je suis bio-chimiste”, confie la patronne de 57 ans, pas mécontente de son effet.

C’est pour payer ses études qu’elle met par hasard un pied dans un uni- vers qu’elle ne quittera plus. “J’ai commencé comme ouvreuse à l’UGC Part- Dieu”, explique la directrice. Elle dresse le portrait d’une jeune Lyonnaise assez sage qui sort peu, si ce n’est au cinéma. une étudiante tellement mordue de 7e art qu’elle passe un CAP de projectionniste sitôt son doctorat en poche. elle laisse d’ailleurs très vite ses éprouvettes de côté, au profit des bobines. “A l’époque, le cinéma, c’était la magie. Je ne voyais que la face apparente de l’iceberg. Petit clin d’œil à Titanic de celle qui “pleure très facilement devant un film”.

 

“Les goûts personnels s’effacent”

Désormais c’est l’envers du décor qu’isabelle Fabre observe. Le pragmatique, le quotidien d’un multiplexe qui emploie une trentaine de personne et où convergent quelque 15 000 visiteurs par week-end. mais la magie reste toujours présente, grâce aux bons films et à la rencontre avec les équipes qui viennent les présenter au public. elle cite les Kaïra (Franck Gastambide, Medi Sadoun et Jib Pocthier) ou Ramzi Bédia. “Ce ne sont pas Brad Pitt et Angelina Jolie, mais ce furent des moments très sympas”,assure cette cinéphile. et elle en égraine d’autres... Valérie Benguigui, Guillaume de Tonquedec, Jamel Debbouze. Elle se souvient aussi de la venue d’Elena Anaya, l’une des égéries d’Almodovar. un réalisateur qui tient une place particulière dans son panthéon personnel, au côté de Louis malle dont elle admire “Au revoir les enfants”, ou de Hector Babenco et son “Baiser de la femme araignée”. Des œuvres chocs, plutôt rangées au rayon art et essai, autrement dit, pas vraiment ce qu’on retrouve à l’affiche de ses salles. elle l’assume : “Lorsqu’on occupe un poste comme le mien, les goûts personnels s’effacent. Ici, mes préférences sont celles de mes clients”, même si elle avoue que “les films d’horreur ne sont pas vraiment [son] trip”.

 

Blockbusters et opéras

La force du cinéma dont elle a pris la direction à son ouverture en 2009, après avoir “un peu bourlingué” de Valenciennes à Rennes, c’est sa zone de chalandise, “la plus belle de l’agglomération”. “Nous avons tout l’Est Lyonnais, les plaines de l’Ain, presque tous les arrondissements de Lyon et une bonne partie du Rhône, jusqu’à Villefranche”, soutient isabelle Fabre. elle met aussi un point d’honneur à la diversification de sa programmation. Que les blockbusters côtoient sur ses cimaises, des retransmissions de spectacles vivants : opéra, ballet du Bolchoï, grands shows musicaux ou stars de l’humour. une forme de démocratisation, mais aussi de mondialisation. “On ne va pas à Moscou tous les quatre matins. Avec nos retransmissions, on amène le spectacle en bas de chez vous”, considère-t-elle. Et pour sa petite entreprise, c’est l’assurance de remplir les salles. “Pour Violetta, on a fait un ravage”, confie-t-elle, avec sa casquette de garante du tiroir caisse. Avec la Dame aux Camélias, Casse Noisette, La mégère Approvoisée ou Giselle sur grand écran et les incontournables productions hollywoodiennes, le Pathé Carré de Soie ne devrait pas se désemplir la saison prochaine.

Maxence Knepper

De son parcours, bien des scénaristes pourraient tirer l’essence de leurs prochains films. La petite ouvreuse devenue directrice du plus grand multiplexe de la région revient sur l’émerveillement que procure le 7e art.

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