Archives / Journal N°49 - mardi 03 avril 2012

Mutation du chauffage urbain : plus vert et plus économe ?

Fioul, charbon et gaz...histoire d’une chaufferie

En 1973 la chaufferie fonctionnait au fioul. En 1982, un an après la relance de l’activité charbonnière française par le gouvernement Mauroy, la chaudière au charbon entrait en service sur le site vaudais. Jusqu’à sa mise à l’arrêt en 2011, elle fonctionnait cinq mois d’hiver. Sa puissance était de 29 MW ; elle consommait 9000 tonnes de charbon/an. Les chaudières au fioul et au charbon étaient associées à deux autres chaudières fonctionnant au gaz. A ces quatre générateurs s’est ajoutée en 2010 une chaudière à cogénération. “Il s’agit d’une turbine, comme un réacteur d’avion, qui fait 15 000 tours/minute. Une sorte de dynamo qui fabrique de l’électricité (6 MW pouvant alimenter un village de 3000 habitants). La cogénération délivre 11 000 volts qui sont transformés en 20 000 pour être redistribués à EDF. Le gaz d’échappement est valorisé : la chaleur étant récupérée pour chauffer l’eau”, décrit Julien Eberhardt. Pour réaliser cet équipement, la Ville avait alors investi 2 millions d’euros. En 2010, les énergies primaires mises en œuvres étaient le charbon à 38%, le gaz à 39%, la cogénération à 20 %, le fioul lourd à 3 %. La chaufferie produit de l’eau surchauffée. Un réseau de 25 km de canalisations enterré distribue l’énergie jusqu’à 130 postes de livraisons pour alimenter les bâtiments de la Zup en chauffage et eau chaude sanitaire. “Cela couvre environ 12 000 équivalent logements, soit quelque 7000 logements de la Zup, la mairie, des écoles, la piscine...”, indique Rodolphe Véran, responsable du chauffage urbain de Vaulx pour Cofely. Dix-sept personnes font tourner la chaufferie, aujourd’hui très automatisée.

Les livraisons d’énergie aux abonnés sont d’environ 130 000 MWh par an. La puissance de la chaufferie étant supérieure à 20 MW, elle fait partie des installations classées pour la protection de l’environnement.

En matière de qualité de l’air, dans le cadre du réseau de mesure géré par le Coparly (Comité de coordination pour le contrôle de la pollution atmosphérique dans la région lyonnaise), la station de mesures n’a pas observé de dépassement à Vaulx-en-Velin.

D’autres changements en vue

La facturation de chauffage se divise en deux postes : une part fixe, correspondant à un abonnement au réseau, systématiquement soumis à une TVA à 5,5 %, quelle que soit la source d’énergie, et une partie variable, correspondant à la consommation, taxée à 19,6 % pour du combustible conventionnel et à 5,5 % si la chaufferie emploie au moins 50 % d’énergies renouvelables. Ce principe plutôt clair est généralement embrouillé par un jeu de facturation impliquant, selon différents cas de figure, un exploitant principal, un exploitant secondaire, la commune, une régie, des bailleurs... La cour des comptes a dénoncé de nombreux abus au niveau de ces facturations, souvent qualifiées d’usines à gaz. Des rapports pointent du doigt l’absence de réaction de certaines collectivités face aux fantaisies tarifaires de leurs délégataires. Mais ces derniers n’optent généralement pas pour la transparence et il est ardu, même pour les collectivités, d’exercer quelque contrôle à leur égard. Et d’obtenir les informations qu’en qualité de propriétaires des réseaux elles sont en droit d’avoir. Ainsi, la Ville de Vaulx-en-Velin a-t-elle demandé au gestionnaire de dresser un état complet du réseau et de définir un plan d’investissement d’ici à 2017. Saïd Yahiaoui, 1er adjoint au maire de dire : “Pour l’heure, nous n’avons rien sur l’état du réseau et nous ne disposons pas de plan de gestion du patrimoine. Nous exigeons de la société Cofely qu’elle nous fournisse ces informations”.

Un transfert au Grand-Lyon en bonne voie Pour Vaulx-en-Velin, le contrat d’affermage signé avec Cofely expirera dans 5 ans. Et la question du maintien en délégation de service public se pose déjà. “Aujourd’hui, gérer le chauffage urbain est un peu lourd pour la Ville. C’est en même temps un enjeu très fort pour la population. Un dossier est à l’étude pour le transfert de compétence des villes vers le Grand-Lyon, livre Saïd Yahiaoui. Etant donné la complexité de la question du chauffage urbain, il s’agirait de se regrouper sous la compétence de la communauté urbaine. Le transfert est en bonne voie mais ça n’est pas encore fait. Une réflexion doit permettre de définir un type de gouvernance. La position de Vaulx-en-Velin est claire et ferme, la Ville doit rester acteur, avoir un pouvoir d’interpellation et de négociation au sein du dispositif Grand-Lyon. Exercer une vigilance dans la proximité. La Ville met aussi en avant la question d’un retour en régie directe”.

Ce mode de gestion aurait entre autres vertus d’améliorer la transparence de la facture de chauffage et travailler à la pérennité du réseau. Il permettrait un contrôle public de la source d’énergie. “Aujourd’hui, il est difficile de savoir comment les grands groupes comme GDF Suez réalisent leurs profits. Un retour en régie permettrait de mieux gérer le coût du chauffage”, souligne l’élu. Force est de constater que ces sociétés ne sont pas là que pour répondre aux besoins de la population ou pour investir et entretenir les équipements. D’où les prises de positions de certaines collectivités et de citoyens pour dire la nécessité d’une réappropriation publique.

Un sujet chaud pour la CNL

“Nous sommes souvent sollicités par les comités de locataires au sujet du chauffage. L’hiver dernier, cet hiver encore, il y a eu pas mal de problèmes : des pannes, des dysfonctionnements récurrents, des fuites sur le réseau. Les locataires nous en rendent compte, sans parler de l’augmentation du coût du chauffage dans les charges. Une dépense à la hausse parce qu’en attendant la chaufferie bois, la fourniture essentielle c’est le gaz, l’énergie la plus coûteuse”, déclare Jean-Marc Tuson membre de la commission chauffage avec Michel Formet et Bruno Rollet. “Aujourd’hui, on constate des incidents dus au manque d’entretien en période estivale. Et on a un gros problème de gestion des circuits secondaires”, dit aussi Benito Sangrigoli vice président de la CNL, en soulignant que Cofely, en plus de gérer le réseau primaire (de la chaufferie aux sous stations) gère la plupart des réseaux secondaires (des sous stations aux logements), Dalkia et Someci détenant les autres contrats d’entretien. Il pointe “un manque de suivi au niveau des bailleurs et de ceux qui ont en charge l’entretien du réseau secondaire”.

En 2012, la CNL s’est notamment mobilisée aux côtés des locataires de la résidence Paul-Eluard où Cofely gère le réseau secondaire. Elle a dénoncé “une situation inacceptable quand des locataires relevant chez eux des températures de 15 à 17 degrés étaient obligés de recourir à des chauffages d’appoint”.

“Au centre ville, dans mon immeuble, expose Jean-Marc Tuson, on a observé d’importants écarts de température entre les étages. Chez moi, on coupait le chauffage parce qu’il faisait trop chaud. Tout ça parce qu’un réglage à faire au niveau des colonnes montantes n’était pas fait”.

La commission chauffage de la CNL dit avoir du mal à dialoguer avec le délégataire : “Nous sommes mal vu par Cofely parce qu’on réclame une prestation qu’on n’a pas, un suivi qu’on n’a pas. Les questions que nous posons restent sans réponse. Pas moyen de savoir, par exemple, si l’analyse thermographique du réseau, permettant de diagnostiquer ses points fragiles, a été réalisée. C’est peut-être fait mais on n’en a pas vu la couleur !”

Difficile d’avoir certaines informations. Difficile aussi de décrypter des rapports qui comportent des zones obscures. Les bénévoles de citer le rapport du Bérim concernant l’exploitation du réseau primaire par Cofely : “Ça n’est pas clair du tout, pas transparent. Ça rend le contrôle compliqué voire impossible. Le secret des affaires règne en maître”, déplore Jean-Marc Tuson.

Le consommateur est dans le flou total. Il ne reçoit pas de facture. Il n’a droit qu’à un chiffre au poste chauffage dans la rubrique charges collectives. Il ne sait pas comment se font les calculs. Et l’on se doute que ces calculs profitent moins aux usagers qu’au fermier, qui ne fait pas dans la philanthropie !

“Combien de Vaudais connaissent Cofely ? Combien savent que cette société gestionnaire envoie la facturation de chauffage au bailleur qui se fait collecteur d’argent pour la filiale de GDF Suez, un groupe qui engrange des profits pour ses actionnaires ?”, interrogent aussi les membres de la CNL. En rappelant que les réseaux de chauffage sont payés par les consommateurs et appartiennent à la collectivité, soit aux citoyens.

La biomasse en 2013

A Vaulx-en-Velin comme dans de nombreuses communes, la question du chauffage urbain est devenue cruciale. “Dans un contexte extrêmement défavorable, quand l’augmentation du prix du chauffage vient fortement impacter les charges des locataires et copropriétaires, quand certains Vaudais doublent leurs loyers avec les charges, la municipalité a pour objectif de réduire le coût du chauffage pour les usagers”, explique Saïd Yahiaoui, le Premier adjoint au maire. Pour ce faire, la Ville a décidé d’investir près de 15,2 millions d’euros dans la transformation de la chaufferie et le passage à la biomasse.

Il s’agit d’installer trois chaudières à bois (plaquettes forestières), en remplacement de la chaudière au charbon. Ce changement aura un impact à la fois économique et écologique : avec la mise en place d’une nouvelle tarification plus attractive et moins exposée aux variations des énergies fossiles et la réduction importante des émissions de CO2. “Aujourd’hui, le bois est l’énergie la plus vertueuse”, souligne Julien Eberhardt, directeur régional de Cofely. “Le prix du bois est inférieur à celui des matières premières énergétiques non renouvelables. Et la biomasse est taxée à 5,5 % au lieu de 19,6 % pour les énergies fossiles”, expose le 1er adjoint.

“Actuellement, nous sommes en plein dans la période transitoire. Depuis la mise à l’arrêt de la chaudière au charbon, le gaz a pris le relais”, dit le directeur régional de Cofely. Or, du fait de son prix élevé, la facture grimpe. En deux ans, le prix du gaz, aligné sur le prix du fioul, a augmenté de 25 %. Alors qu’il y a 15 ans, il offrait un mode de chauffage économique. “Dans l’attente de la mise en route de la biomasse, afin de minimiser l’impact du prix du gaz sur les populations, la Ville a négocié avec Cofely un tarif préférentiel et constant du mégawatt heure. Nous avons négocié 10 % de moins que le prix du gaz normal. Le groupe prend la différence pour lui”, indique Saïd Yahiaoui.

33 363 tonnes de bois par an

En plus de remplacer la chaudière au charbon, l’installation biomasse permettra de réduire la consommation de gaz et de fioul(1). Les consommations prévisionnelles des chaudières s’établissent en moyenne annuelle à : 104 191 MWh(2) pour la biomasse (84,3 %), 19 326 MWh de gaz (15,6 %), 102 MWh de fioul lourd (0,1 %).

La consommation annuelle de bois est estimée à 33 363 tonnes. “Le bois, issu de la région, viendra d’une plateforme d’approvisionnement que Cofely construit à Saint-Maurice-de-Gourdan. En plein hiver, on devrait amener 12 à 13 camions de bois par jour,” complète Julien Eberhardt.

L’implantation de la chaufferie biomasse augmentera le nombre de rotations par an de véhicules poids lourds qui passera de 332 à 1280. Le trafic auto généré par la chaufferie représentera moins de 0,1 % du trafic général autour de la chaufferie.

(1) Le projet prévoit en effet le remplacement de la turbine à gaz d’une puissance de 17,75 MW par une turbine d’une puissance de 16,15 MW (renouvellement de la cogénération) et le bridage de la chaudière mixte fioul lourd / gaz naturel à une puissance de 38 MW.

(2) un MW (mégawatt) correspond à la puissance d’une centrale de production. Au cours de l’année, chaque centrale produit un certain nombre de MWh (mégawatt heure), égal au produit entre la puissance installée et le nombre d’heures de fonctionnement réel en équivalent pleine puissance.

Des Villes ont choisi la gestion publique

A Metz, une centrale biomasse doit être livrée fin cité de Metz, régie municipale à 90 % et 10 % Caisse des dépôts. La ville de Fontenay-sous-Bois qui compte 51 000 habitants s’est dotée d’une régie du chauffage urbain en 2003. Un établissement public pour la gestion et l’exploitation de son service public du chauffage urbain. La chaufferie centrale, un des 20 plus gros sites de production de chauffage urbain, est équipée de 4 chaudières, une unité de cogénération, un réseau souterrain de 25 km de long et 106 sous-stations au pied des immeubles. Elle permet de chauffer 15 000 logements. Sa chaudière bois consomme quotidiennement 60 à 65 tonnes de bois issu des forêts environnantes. Son unité de cogénération produit à la fois de la chaleur et de l’électricité. La régie revend celle-ci à EDF, une production équivalant les besoins annuels d’une ville de 15 000 habitants. L’équipe technique assure un service d’astreinte et d’assistance 365 jours par an et 24h/24. Elle s’occupe des réseaux secondaires et s’attache à faire de la maintenance préventive pour réduire au maximum les pannes. Qui plus est, elle dispose de tout le matériel en stock. Ce dispositif conduit à des prix compétitifs et fait faire des économies aux habitants (près de 200 euros d’économie pour un logement de 4 pièces). C’est à dire le choix de l’intérêt général.

Une fresque sous le signe de la chaleur

Les peintres de CitéCréation sont à nouveau à l’œuvre au Mas du Taureau. Ils réalisent une peinture murale sur un bâtiment du réseau de chauffage urbain. Cette sous-station aux murs dégradés et tagués faisait tache aux abords des immeubles du chemin de la Ferme, peints par les artistes muralistes de Cité Création. Alors ces derniers l’investissent. Elle devient le support de deux registres d’images : des images de rêves, soufflées par des jeunes du quartier et des images à caractère pédagogique schématisant le principe du chauffage urbain, commanditées par Cofely, la société qui gère le chauffage urbain. Décor de plage ensoleillée, réseau de tuyaux, chaudière à bois, il est question de chaleur... Cité Création a contacté Cofely pour lui proposer ce projet de fresque valorisant l’entreprise. Le gestionnaire du chauffage s’est montré partant et, avec les peintres muralistes, il a ensuite dialogué avec un groupe de jeunes des Noirettes. “L’idée était de travailler en partenariat avec eux, de les associer à la démarche, de faire en sorte qu’ils sentent que c’est aussi leur mur”, explique Man Almeri, le directeur artistique du projet. Pour la réalisation de cette peinture murale, la société Cofely a engagé près de 30 000 euros.

Cofely

Société de services en efficacité énergétique et environnementale, Cofely fait partie de GDF Suez Energie services (CA de 14,2 milliards d’euros), l’un des premiers énergéticiens au niveau mondial.

Chiffres clé en France :

Chiffre d’affaires : 3,6 milliards d’euros

Effectif : 14 000 collaborateurs

152 sites de cogénération

142 réseaux de chaleur et réseaux de froid

200 chaufferies biomasse

Propriété de la Ville, la chaufferie centrale, qui alimente près de 7000 logements de la Zup en chauffage et eau chaude sanitaire, est gérée par la société Cofely, sous forme de délégation de service public. Mise en service en 1973, la chaufferie est en cours de transformation pour passer à la biomasse : trois chaudières à bois vont remplacer la chaudière au charbon.

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