Actualités / A Vaulx Jazz 2015 - mercredi 18 mars 2015

La dernière partition de Thierry Serrano

Il est fortement question de votre départ de la direction du festival. Le confirmez-vous ?
Oui, c’est sûr, c’est mon dernier festival. J’aurai 61 ans en avril et il s’agit là de ma 28e édition, dont quatorze à la direction.

Qu’est ce qui vous a amené à la tête du festival?
Auparavant, je travaillais au service culturel et j’avais la charge de la partie Hors les murs de la manifestation. Quand le fondateur d’A Vaulx jazz, Gilbert Chambouvet, a pris sa retraite en 2002, j’ai pris la suite.

Des souvenirs marquants ?

Le festival m’a permis de créer des rencontres et pas uniquement avec des artistes. Principalement avec des habitants et des festivaliers. J’ai énormément de souvenirs car chaque année, il se passe quelque chose de nouveau. Mais surtout, j’ai vu le festival s’installer dans la ville, puis parmi les festivals français et aujourd’hui, il est reconnu au delà des frontières. Rendez-vous compte : en 2014, il a rassemblé 20 000 personnes. Au point qu’aujourd’hui, ce sont des structures comme le Toboggan à Décines, ou l’Epicerie moderne de Feyzin, qui nous sollicitent pour organiser des concerts et nouer des partenariats. Je suis content aussi de voir que beaucoup d’enfants s’intéressent au jazz. Ils étaient environ 1000 l’après-midi du 10 mars, dont certains venus de Francheville où le festival de jazz a été stoppé cette année par le nouveau maire. Cette affluence est, pour moi, une forme de reconnaissance.

En quatorze éditions, quels ont été les moments les plus émouvants ?

De nombreux artistes sont venus sur la scène du centre culturel Charlie-Chaplin. Un souvenir particulier pour moi reste un mail envoyé par le compositeur John Zorn. Une soirée était dédiée à sa musique en 2014 mais il ne pouvait venir. Il a demandé à Martin Wood et Bill Frisell, deux pointures du jazz, de jouer sa musique. Zorn nous avait ensuite félicités. Autre souvenir marquant, la venue du légendaire Ron Carter pour la fin du festival en 2013, ou encore le duo improvisé entre Dianne Reeves et Gregory Porter. Les venues de Louis Sclavis sont aussi précieuses pour moi. C’est un musicien généreux et un par- tenaire du festival. C’est d’ailleurs l’artiste qui est le plus venu. A chaque passage, il fait preuve d’une énorme générosité humaine et artistique. Il a toujours amené des créations. Comme son projet Silk and salt, avec le percussionniste Keyvan Chemirani qui avait été présenté ici avant de faire le tour du monde. Je me souviens aussi avoir emmené jouer la pianiste Patricia Barber à la librairie Musicalame à Lyon.

Des regrets ?

Gilbert Chambouvet a toujours regretté de ne pas avoir accueilli Dizzy Gillespie et Stéphane Grapelli. Moi, c’est Jimmy Scott, décédé en juin dernier, et le guitariste de jazz manouche Patrick Saussois, disparu en 2012 ou bien-sûr Paco de Lucia, mort en 2014.

Qu’est-ce qui a vous a amené au jazz ?

C’est une musique dans laquelle il n’y a pas de barrières, pas de chapelle. Ado, j’écoutais du rock et plus tard, je me suis rendu compte que des muciens que j’appréciais ont touché au jazz, comme Jimi Hendrix ou encore Frank Zappa. Parallèlement, beaucoup de musiciens de jazz ont été influencés par le rock. Cette musique va encore plus loin que les autres, elle est ouverte sur le monde. Le jazz est une musique de liberté avec une histoire dense. Enfin, elle est à l’image de Vaulx-en-Velin : avec beaucoup d’énergies et de réussites. Elle passe au-dessus des préjugés. Mais il n’y a pas que le jazz dans la vie. J’écoute un peu de tout. En ce moment j’apprécie Christine and the Queens ou encore le groupe de rock Parquet Courts.

Comment voyez-vous l’avenir ?

La manifestation est bien installée, je n’ai donc pas d’inquiétudes. La programmation de l’édition 2016 est en cours. Nous sommes dans les différents réseaux comme Jazz(s) RA pour la scène régionale et les réseaux nationaux et européens pour les pointures. Avec les autres scènes, ça se passe bien. Cette année est particulière pour moi. Je ne veux pas imposer mes choix à la personne qui va me succéder. Je serai présent pour l’épauler  en cas de besoin. Il me tarde que le festival se termine pour faire une marche reposante au Grand parc. Et jouer avec les pétanqueurs installés dans le même immeuble que la Direction des Affaires culturelles. Je suis né à Vaulx, j’y ai travaillé, ma petite-fille va naître ici en avril et je resterai à Vaulx.
Propos recueillis par Jacques Boucaud et Rochdi Chaabnia

 Ce qu’ils disent de lui...

“Il est des festivals que l’on privilégie, pour moi A Vaulx jazz reste un partenaire de choix. J’ai eu la confiance de Thierry Serrano qui m’a toujours laissé une grande liberté de création”.
Louis Sclavis, saxophoniste.

“A Vaulx jazz reste un festival particulier, j’ai joué dans de nombreuses salles en Europe et dans le monde. Il y a un esprit et une ambiance qui fait qu’on se sente à la maison. C’est un peu grâce à Thierry. Un de mes meilleurs souvenirs reste le projet Panne de scooter avec le dj Carl Craig”.

Sangoma Evrett, batteur.

“Avec A Vaulx jazz, Thierry Serrano a réussi à faire un vrai festival. Ce n’est pas qu’un festival pour les amateurs, il est ouvert à tous et la dimension Hors les murs est aussi importante que les concerts sur la scène centrale”.
Jean-Paul Boutellier, fondateur de Jazz à Vienne.

“Thierry Serrano a réussi à faire d’A Vaulx jazz un festival avec une vraie trame jazz sans participer à la course à l’audimat et à faire des entrées à tout prix”. Jean-Claude Pennec, critique de jazz.

 

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