Archives / Journal N°40 - mardi 15 novembre 2011

Un forum pour bien produire, bien manger, bien consommer

Tout l'amour du paysan déployé pour soigner sa croissance n’effacera pas les kilomètres. Acheter à Vaulx-en-Velin, même pour une bouchée de pain, une carotte poussée à l’autre bout de la planète, n’est pas forcément très malin. Surtout quand on sait qu’il en pousse des pleines bottes dans le coin. A commencer par la zone maraîchère implantée au Nord de la commune.

Ce constat fait, ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les circuits courts, se fournissant chez des producteurs locaux, ou produisant eux-mêmes leurs aliments. Cette démarche est le thème du 9e Forum de l’économie sociale et solidaire (ESS). Organisé par la Ville et l’Université Lumière Lyon 2, il se tient les 2 et 3 décembre à Vaulx-en-Velin. “Il s’agit de réduire au maximum le chemin et les intermédiaires entre consommateur et producteur. Son exploitation devant avoir le label bio ou fonctionner en agriculture raisonnée. L’idéal étant bien sûr de les relier directement”, explique Saïd Yahiaoui, économiste et Premier adjoint délégué aux Finances. Dans le domaine, la commune organise chaque vendredi un marché de producteurs (voir encadré) et a demandé à son opérateur pour les cantines scolaires d’avoir aussi souvent que possible recours aux circuits courts. “Même s’ils ne sont pas encore assez organisés pour répondre à de grosses demandes”, regrette l’élu.

Cette neuvième édition est organisée en deux temps. Le premier propose ateliers et conférences, le vendredi 2 à l’Ecole nationale d’architecture de Lyon (Ensal, 3 rue Maurice-Audin). L’occasion de faire le tour du système, ses avantages, et pourquoi pas, ses points faibles, ses applications comme ses développements possibles. Ces gestes militants permettent en tout cas de promouvoir une agriculture locale et biologique. “A Vaulx cela prend tout son sens. Avec notre zone maraîchère de 330 hectares et les projets du Grand parc de Miribel-Jonage dans ce champ”, insiste le Premier adjoint. L’économie sociale et solidaire se veut en effet en lien avec un territoire.

Un reproche que l’on entend souvent : les produits seraient beaucoup plus chers les rendant inaccessibles aux plus modestes. “Le problème de l’économie classique est que les distances entre lieu de production et de consommation grandissent. Quant aux intermédiaires, le plus souvent des négociants, ils ne manquent pas de prendre une marge. Les circuits courts sont au contraire un moyen de réduire les coûts et de ménager une rémunération beaucoup plus digne au producteur”, souligne Saïd Yahiaoui. Pour lui, l’ESS permettrait à chacun de vivre décemment de son travail et favoriserait la démocratie puisque les acteurs sont souvent des associations. Leurs membres sont alors à la fois utilisateurs et acteurs. On s’y prend en main, on échange et on aide parfois l’agriculteur. Avec cette consommation réfléchie, on ne mange pas non plus n’importe quoi n’importe quand. Se gaver de tomates en plein hiver quand la nature nous offre poireaux et courges comme légumes de saison n’a absolument aucun intérêt nutritionnel et encore moins gustatif.

Pour la Ville, la volonté de maintenir une agriculture locale est aussi le fruit d’une réflexion sur le devenir des territoires. “C’est une manière d’apporter des espaces verts de manière viable et durable. Et notamment en milieu urbain. Ce n’est pas parce que l’on est en ville que l’on ne peut pas avoir des espaces verts dynamiques comme les zones agricoles”, poursuit l’adjoint.

Des circuits courts au commerce équitable

Consommer devient donc un acte solidaire. Le deuxième temps du Forum n’est-il d’ailleurs pas le marché de Noël rebaptisé marché de la solidarité ? Le samedi 3 décembre, au gré des stands du centre culturel Charlie-Chaplin (place de la Nation), l’on pourra allier utile et agréable. En s’informant auprès de diverses associations notamment impliquées dans la solidarité internationale, mais aussi en faisant quelques emplettes puisqu’on y retrouvera, par exemple, de l’huile d’olive de Palestine, de l’artisanat béninois, du linge en coton ou des produits issus du commerce équitable. A noter qu’une animation de sculpture sur légumes est prévue, avec ateliers pour les enfants à la clé. Ou quand navets et courges cultivés avec amour par un paysan du cru se font, aussi, œuvres d’art.

Amap, jardin partagé et conso alternative

C’est une madeleine qui vient à notre rencontre le jeudi soir au Monde Réel. Une madeleine de Proust s’entend. Qui nous évoque des souvenirs de marchés et de jardins, fleurant bon la scarole et le chou-fleur. C’est que le jeudi soir, à l’association du Mas du Taureau, les adhérents de son Amap viennent récupérer leurs paniers. Amap ? Ou Association pour le maintien d’une agriculture paysanne, un des moyens de développer les circuits courts. Son principe : les adhérents achètent à l’avance, en début d’année, un panier à un producteur avec qui ils signent un contrat. En fonction des semaines, ils seront producteurs de fruits, légumes, fromages ou viande. L’on peut acheter bien sûr des paniers de tailles différentes. La plupart du temps, outre l’adhésion à l’association, le tarif débute aux alentours de 7 euros. Les besoins d’un célibataire ne sont en effet pas comparables avec ceux d’une famille nombreuse. A noter que sur les 60 paniers disponibles chaque semaine au Monde Réel, cinq dits de solidarité sont destinés à des personnes dans le besoin. Ils sont financés par les autres adhérents. Le principe, les produits, et surtout l’ambiance sont sensiblement les mêmes avec l’Amap à Vaulx. Ainsi ce même jeudi soir, l’on ne fait pas vraiment la queue devant l’étal de Laurent Joly, producteur de fruits et légumes à Valencin dans l’Isère. Pendant qu’il constitue et remet ses paniers, on papote, trainaille et s’échange des recettes au pied du palais des sports Jean-Capiévic (place de la Nation). “Ma fille n’aimait pas les courges... jus- qu’à l’Amap ! Les légumes sont peut-être très légèrement plus chers que dans les circuits traditionnels, mais autrement meilleurs et résistants. Ils ont du goût puisque ce sont des légumes de saison”, assure Isabelle une “amapienne”. Ici, comme avec le jardin partagé les Pot’iront, l’on découvre également de nouveaux légumes. Les panais ou les topinambours. “Bon, faut aimer”, reconnaît le président de ce jardin partagé, Denis Croville. Et à les voir le nez plongé dans la terre, le sourire aux lèvres, un dimanche matin frisquet de novembre, gageons qu’on ne les force pas trop. Sur le terrain qu’ils louent en lisière du Grand-parc de Miribel-Jonage, les 85 adhérents s’engagent à venir travailler huit jours par an. Travailler et surtout apprendre à cultiver et récolter, en suivant les conseils du maraîcher de l’association. Ici aussi, outre l’adhésion, les adhérents se partagent la récolte de la semaine, en achetant leur panier 10 euros. Circuits courts encore pour les plants utilisés : ils viennent tous d’un producteur local. Et le travail en groupe rappelle l’esprit des coopératives. Alter-conso tout d’abord qui ressemble à une Amap. Cette société coopérative regroupe des producteurs, des consommateurs et des collectivités locales. Elle distribue des paniers de produits agricoles de qualité en partenariat avec des producteurs locaux. Enfin, et depuis vingt ans à Vaulx, Prairial, coopérative de consommation, privilégie l’éthique, le biologique, les produits locaux dans son magasin du Sud de la commune.

L’on retrouve partout les mêmes réflexions sur le partage, la découverte, la volonté de changer des circuits tout tracés de l’industrie agroalimentaire. Pour Laurent Joly, ces circuits courts permettent le primordial contact avec le consommateur. “J’organise des visites de mon exploitation et on sympathise. Certains “amapiens” sont même venus m’aider à installer des serres”, s’enthousiasme-t- il. Ajoutant : “Ils ont des produits de qualité et je suis rémunéré. Personne n’est floué !” Un joli résumé de l’économie sociale et solidaire.

Amap du Monde Réel, 1 chemin des Echarmaux. A 17h le jeudi. Tél. 04 72 97 09 96.

Amap à Vaulx, distribution le jeudi à 17h devant le palais des sports Jean-Capiévic (place de la Nation). Mail : amapvaulx@laposte.net

Les Pot’iront, 2 rue Marcellin-Berthelot à Décines. Tél. 04 78 49 91 25. Mail : lespotiront@orange.fr Internet : http://lespotiront.free.fr

Prairial, 10 rue des Droits-de-l’Homme. Tél. 04 78 26 26 27. Internet : www.prairial-bio.fr

Alter-conso, espace Frachon, 3 rue Maurice-Thorez. Le mercredi de 17h15 à 19h15. Tél. 04 72 04 43 02. Internet : www.alter-conso.org

Le fromage : du pis à la mie

Les circuits courts sinuent parfois dans le brouillard de la Loire, dévalés par un troupeau de vaches guidées depuis leur pré par trois chiens jappants et bondissant tels des lapins. 8h30, Olivier Procureur rejoint sa ferme de Violay accompagné de ses dix Montbéliardes. Petite récolte ce matin, seules cinq bêtes auront droit à la trayeuse pour offrir environ 25 litres ce qui représente dix sauvages. Que l’on se rassure, sauvage n’est que le patronyme d’un de ses fromages qu’il distribuera notamment aux abonnés des deux Amaps de Vaulx et lors du marché des producteurs du vendredi, place de la Nation. “Après la traite, qui est la première étape de la fabrication du fromage, le lait est réchauffé à 32 degrés dans un chaudron de cuivre”, explique Olivier. Très important le côté cuivre du chaudron, c’est lui qui donnera une partie de son caractère au clacos. Puis, le ferment spécifique utilisé pour l’emprésurage va donner sa couleur caractéristique au munster. Le lait devenu alors “flan” est moulé à la main et placé en cave d’affinage pendant 21 jours, en étant lavé à l’eau salée tous les deux jours. “Au bout de ces trois semaines, je m’occupe personnellement de leur distribution pour aller plus loin et créer une réelle relation. Je sais en direct ce que les consommateurs pensent de mes produits”, assure cet avocat des filières courtes. De son exploitation à taille humaine sortent par exemple chaque mois 800 fromages et 100 kilos de pain. Des produits “du terroir, de qualité et qui me permettent tout simplement de vivre”, souligne Olivier qui s’est aussi constitué un petit réseau de restaurateurs et de bars lyonnais faisant la promotion des produits bio.

On l’aura deviné : ayant passé contrat avec des Amaps, son exploitation est totalement bio. Aucun produit chimique ici et cela va même plus loin. “Les vaches qui donnent le lait des yaourts et fromages, ne sont qu’une petite partie de mon activité. Puisque je produis également des œufs, des veaux de lait, du pain à partir des céréales que je cultive et je dispose d’un cheptel de 80 chèvres et 50 brebis, là aussi pour le fromage”, détaille-t-il.

Ancien informaticien, Olivier a repris l’exploitation de Violay il y a trois ans, après une reconversion. Lui qui a trouvé son bonheur dans la Loire alors qu’il est Alsacien. D’où le munster.

Programme 

Vendredi 2 décembre :

Conférence et ateliers sur les circuits courts alimentaires

8h30 : accueil

Café-croissant autour de l’exposition Les circuits courts à Vaulx-en-Velin. Remise du livret La Boîte aux Bonnes Idées qui recense actions et méthodes simples pour mettre en place des circuits courts.

9h30 : conférence “Bien produire, bien manger. Les circuits courts, une alternative ?”

Introduction de Bernard Genin, maire de Vaulx-en-Velin. Intervention de Jean-Baptiste Traversac, ingénieur d’étude à l’Institut national de la recherche agroalimentaire, et auteur du livre La contribution des circuits courts alimentaires au développement régional (édition Educagri, 2010). Puis intervention de Séverine Saleilles, maître de conférences en sciences de gestion à l’Université de Lyon (UJM-Saint-Étienne) et membre du projet PSDR-LIPROCO (Liens producteurs consommateurs).

12h : pause déjeuner “produits du terroir et saveurs locales”

Un déjeuner frais et savoureux cuisiné à partir de produits issus de l’agriculture biologique. Gratuit sur inscription.

14h : trois ateliers pour réfléchir

Retours d’expérience de professionnels, de techniciens et d’élus qui ont agi pour les circuits courts, en présence de Vincent Veschambre et des étudiants de l’Ensal

- Atelier 1 : Circuits alimentaires courts, évolution agricole et renouvellement du péri urbain. Les territoires au service de cette mutation. Avec : Thomas Klein pour le Projet pirate, un responsable des actions circuits courts à la Chambre d’agriculture et Véronique Hartmann de la Mission écologie du Grand Lyon sur les PSADER / PENAP.

- Atelier 2 : Pouvoir d’achat et bien manger, le rôle des nouveaux circuits dans le monde associatif et social, Amap, Apad, coopératives... Avec : Liliane Barraco, présidente de l’Amap du centre-ville de Vaulx-en-Velin et Samuel Hévin de la Société coopérative d’intérêt collectif Alter-Conso...

- Atelier 3 : Consommation responsable, les communes en première ligne. Avec : Françoise Rivoire adjointe au maire de Lyon déléguée au développement durable et à l’économie sociale et solidaire pour le label Lyon ville équitable et durable et Jacques Lançon, adjoint au maire de Lons-le-Saunier pour les circuits courts à la cantine scolaire

16h : synthèse des ateliers

Par Saïd Yahiaoui, économiste et maître de conférences à l’Université Lumière Lyon 2. A l’Ensal (3, rue Maurice-Audin) gratuit sur inscription, le bulletin étant notamment disponible à l’accueil de l’Hôtel de ville.

Samedi 3 décembre :

Marché de la solidarité

13h à 18h, information, sensibilisation et vente de produits équitables, autour de la solidarité internationale. Sans oublier une animation de sculpture sur fruits et légumes. Centre culturel communal Charlie-Chaplin (place de la Nation) Renseignements auprès du service Economique de la Ville, tél. : 04 72 04 78 02, mail : serveco@mairie-vaulxenvelin.fr

En parallèle du Forum

Diverses structures de la ville ont ou vont mener des actions en rapport avec les circuits courts. Citons le jeu de rôle du service Jeunesse “la ficelle”, mené le 19 novembre avec un groupe du collège Barbusse ou la diffusion d’un film, le 24 novembre, au Monde Réel. De son côté, le centre social et culturel Peyri organise le 28 novembre un atelier de cuisine du monde. Quand le centre social Levy prépare de multiples ateliers sur l’alimentation et la nutrition au cours du mois de novembre. Sans oublier la soirée “Paroles paysannes, cultures et résistances”, le 7 décembre à 19h à la salle Victor-Jara (rue Lesire). Un témoignage d’agriculteurs suivi d’un “buffet paysan” (inscription au buffet : parolespaysannes@gmail.com).

Chaque semaine, un marché de producteurs

Certains fournissent aussi les deux Amaps existant à Vaulx-en-Velin. Chaque vendredi, quelques étals proposent des produits cultivés ou fabriqués dans la région. Installé sur le parvis de l’hôtel de ville de 12h à 18h, on peut y trouver fromages, pâtisseries, fruits, légumes et charcuteries... Du coin !

Les 2 et 3 décembre, le 9e Forum de l’économie sociale et solidaire s’intéresse aux circuits courts dans la production et la consommation alimentaire. Journée de rencontres et de débats, marché de Noël solidaire : un événement organisé par la Ville et l’Université Lumière Lyon 2.

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