Archives / Journal N°39 - lundi 31 octobre 2011

En attendant Tartuffe, le regard de Vercelletto

Pourquoi Tartuffe ?

Cette œuvre de référence me permet de poursuivre mon travail sur la langue française, qui est, à l’époque de Molière, au faîte de sa splendeur. Mais j’ai surtout été séduit par les thèmes de la pièce, à commencer par la religion. Il y critique avec virulence une forme d’intégrisme religieux et ses conséquences au sein des familles. Le rigorisme d’Orgon fait que dans sa maison les visites son filtrées, les bals et fêtes proscrits.

Un rigorisme qui passe par la violence ?

Oui, il promet par exemple sa propre fille âgée de 14 ans à Tartuffe, qui en a 40 de plus. Ce dernier arrache aussi les atours des femmes, comme les mouches. On pourrait se croire dans certains régimes islamiques actuels. La religion est une des questions centrales de ces 15 dernières années, et pas qu’en France. Je crois d’ailleurs que je n’aurais pas monté la pièce il y a 30 ans. L’intégrisme repose sur des forces archaïques qui nous renvoient au passé.

Et touche essentiellement les femmes ?

Pour le philosophe Michel Onfray, les trois religions monothéistes les détestent parce qu’elles sont dangereuses pour les hommes. En tout cas leur corps doit disparaître ! Une toute puissance masculine qui concerne en effet les religions juive, musulmane et chrétienne. Le spectacle sera jalonné de signes renvoyant aux trois religions, qui ont des points communs. Cette toute puissance masculine, du père, structure également l’ensemble de sa famille.

On a l’habitude de dire que Tartuffe est une pièce sur l’hypocrisie. Le terme est même entré dans le langage courant.

Pourtant ce thème n’apparaît qu’à la fin du 4e acte. Et comme Molière avait rajouté une fin plus consensuelle, pour atténuer son propos, je ne vais pas présenter la pièce dans son intégralité, mais m’arrêter au moment où cette famille est en plein désarroi. D’ailleurs je débuterai par un texte très anticlérical de Jacques Prévert. Je me réapproprie le texte en prenant quelques libertés afin d’éviter toute pesanteur. Et attention, l’œuvre est parfois très drôle. Le théâtre doit être vivant et pas au musée !

Depuis quand y travaillez vous ?

J’ai relu il y a trois ans ma pièce préférée de Molière, le Misanthrope. Puis, je suis passé à Tartuffe et c’est devenu une évidence. Ma réflexion a commencé il y a un an, j’ai rencontré la costumière, les acteurs, le décorateur et notre travail se terminera par deux mois de répétitions.

Vous tiendrez même un rôle de femme.

Traditionnellement la mère d’Orgon, une bigote infernale, est jouée par un homme. Comme c’est un tout petit rôle, il me permet de me consacrer pleinement à la mise en scène. C’est peut être aussi un hommage à ma maman, récemment disparue.

Pour votre costumière, vous “fabriquez” du théâtre.

C’est une conception que j’aime. On ne s’arrête pas aux idées, on est dans la matière, on la travaille. Par exemple avec Angelina, les costumes se finalisent pendant les répétitions. La collaboration avec le décorateur, Charles Rios, se fait d’avantage en amont et toujours à base d’échanges. J’imaginais les personnages en permanence sur le qui vive. Tout le monde devait être susceptible d’entendre et de surprendre les autres.

Vous montez Tartuffe alors que vous êtes en résidence. Comment cela va-t-il se concrétiser ?

Je ne pensais pas que l’impact auprès des scolaires serait aussi important. Je tiens à ce qu’un membre de l’équipe rencontre chaque classe qui assistera à une représentation, pour les préparer. Par ailleurs, les élèves en option théâtre à Doisneau et les trois ateliers des collèges Duclos, Valdo et Barbusse vont travailler sur une des thématiques de la pièce : la famille en crise. Nous mettrons en place des répétitions publiques pour les élèves et les centres sociaux. Et j’aimerais organiser une sorte d’avant-première, quinze jours avant la vraie première pour montrer au public où nous en sommes, parler avec les gens et voir comment ils reçoivent notre travail. C’est une mise en danger mais qui pourrait s’avérer très utile...

Propos recueillis par Stéphane Legras

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