Archives / Journal N°46 - mardi 14 février 2012

Défendre l’eau comme bien public

En partenariat avec le Mouvement national de lutte pour l’environnement (MNLE), la Ville a organisé, le 7 février, une journée de débats. L’événement, intitulé “L’eau, ça n’a pas de prix !”, visait à engager la discussion autour des modes de gestion de l’eau : délégation de service public, régie directe, établissements publics... Participaient notamment à cette discussion contradictoire François Cosserat, président du MNLE, Jean-Michel Drevon, représentant du collectif de défense des services publics, Jean-Louis Linossier de l’Association des consommateurs de l’eau du Rhône, Jacques Ollivier, directeur général du Siapp, Service public de l’assainissement Francilien, les directeurs régionaux de Veolia eau, Suez Lyonnaise des eaux, Saur, deux représentants syndicaux de Veolia...

Le maire de Vaulx-en-Velin introduisait le débat en avançant sa position : “Faire barrage à la marchandisation de l’eau, tendre à une réappropriation publique et universelle, travailler tous ensemble pour un projet novateur”. Et de citer le philosophe Walter Benjamin pour dire la nécessité “d’activer le frein d’urgence”.

Alors qu’au même moment, le Grand-Lyon prévoit de renégocier le prix de l’abonnement (le plus cher de France : 34,37 euros par semestre en décembre 2011) lors de la prochaine révision quinquennale des contrats avec les fermiers Veolia et Suez, qui détiennent respectivement 85 % et 15 % de la concession. Une baisse pourrait être consentie si la délégation de service public est reconduite en 2015. Quand le président du Grand-Lyon, Gérard Collomb, semble plutôt favorable au privé – expliquant que Suez et Veolia ont pu se développer à l’international grâce aux bénéfices réalisés en France et qu’il faut se soucier de l’équilibre économique de ces groupes – d’autres élus (PC, PS, Les Verts...) prônent un retour au public et sont engagés dans la campagne citoyenne pour que l’eau du Grand-Lyon redevienne un bien commun. Ils demandent la suppression de l’abonnement et plus d’égalité sur le tarif de l’eau (l’actuelle tarification dégressive avantage les gros consommateurs). “Il ne s’agit pas d’avoir la nostalgie du service public d’avant, qui avait pour principal défaut de ne pas être démocratique. Mais de mettre en place un service dans lequel les personnels, les usagers, les syndicats, les élus aient un rôle de pilotage”, exposait Jean-Michel Drevon. Assurant aussi que “la bataille serait menée pour que les salariés du privé soient repris dans des conditions où ils ne perdent rien” et affirmant que l’efficacité et le professionnalisme ne sont pas l’apanage du secteur privé.

Dans les villes françaises qui sont revenues à une gestion directe (Grenoble, Paris, Viry-Chatillon, Castres...), force est de constater la baisse significative du prix de l’eau. Bordeaux fera le pas en 2018. D’ici là, le Grand-Lyon peut-être...

Fabienne Machurat

Défendre l’eau comme bien public

L’eau, ce bien commun de l’humanité, s’est vue transformée en produit marchand. Pour faire barrage au lobby des multinationales, la bataille est engagée depuis des années. En France, les collectivités ont leur mot à dire. Sans parler des citoyens !

Dans le monde plus d’ un milliard de personnes n’a pas accès à l’eau potable. Des sources tarissent ; la pollution des nappes phréatiques, ruisseaux, rivières, fleuves et océans va croissant. Tandis que des hommes meurent faute d’eau potable, d’autres tirent des bénéfices astronomiques de sa distribution et de la vente des services qui y sont liés. Cette source de vie est-elle vouée à être source de profit, celui des actionnaires des grands groupes qui se partagent le marché ? Depuis près de dix ans, collectifs, associations, élus et citoyens dénoncent le scandale de la marchandisation de l’eau et défendent l’intérêt général. Leurs voix s’élèvent contre l’emprise exercée à l’échelle mondiale par les multinationales françaises, Veolia et Suez.

Les peuples ont leur mot à dire...

...A l’heure où la commission européenne a ouvert une enquête sur trois grands groupes du secteur de l’eau – la Saur, Suez Environnement (ex Lyonnaise des eaux) et Veolia – pour savoir s’il y a eu entente sur les tarifs de l’eau et abus de position dominante.

...A l’approche du 6e Forum mondial de l’eau (à Marseille du 12 au 17 mars) – co-organisé par le gouvernement français, la Ville de Marseille et le Conseil mondial de l’eau – et du Forum alternatif mondial de l’eau organisé en parallèle, alternative à la pensée unique des marchands d’eau, porteur d’une autre vision du monde.

...Sachant que d’ici 2015 en France, les trois quarts des contrats de délégation de service public signés entre des collectivités et des entreprises privées arrivent à échéance et que les municipalités concernées ont un choix politique à faire.

La question de l’eau est cruciale. Elle s’inscrit avec force dans le débat public.

Eau du Grand Lyon : trop chère !

Jean-Louis Linossier, représentant de l’Association des consommateurs d’eau du Rhône, dénonce les aberrations de la tarification de l’eau du Grand Lyon.

Tandis que l’assainissement de la communauté urbaine, géré en régie publique, est “l’un des moins chers de France et l’un des plus modernes du monde”, explique l’ingénieur chimiste retraité, “la distribution d’eau potable livrée au privé est l’une des deux ou trois plus chères de France. Soit, partant des tarifs de 2011, “1,13 euro TTC par m3, auquel s’ajoute un abonnement de 71,47 euros TTC par an, quelle que soit la consommation”.

Jean-Louis Linossier de démontrer : “Si vous consommez 40 m3 par an, vous payez le m3 d’eau potable 2,92 euros TTC et votre facture s’élève à 116,87 euros ; si vous consommez 120 m3, vous payez le m3 1,73 euro et votre facture est de 207,67 euros ; si vous habitez un immeuble collectif de 10 logements consommant chacun 120 m3 d’eau par an, vous avez une facture de 156,62 euros (1,30 euro le m3)”.

Les associations de consommateurs d’eau demandent la suppression de l’abonnement et l’instauration d’un prix unique de l’eau quelle que soit la consommation. 

Manifeste pour un droit à l’eau

L’Observatoire des usagers de l’assainissement en Ile-de-France (Obusass) a rédigé un manifeste pour la mise en œuvre du droit à l’eau. Ce texte a été signé par la Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, la Confédération nationale du logement (CNL) et l’Union nationale des associations familiales (Unaf). Il réclame la mise en œuvre du droit à l’eau conformément aux principes de la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques (Lema) stipulant que “dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous”.

Face au constat d’urgence sociale pour les familles les plus précaires, l’Obusass demande la création d’une allocation eau versée par les Caisses d’allocations familiales. Celle-ci “pourrait concerner l’ensemble des familles précaires dont la charge d’eau, à partir du coût moyen constaté dans leur département de résidence, dépasse le seuil de 3% de leurs ressources”. Les signataires du manifeste proposent que cette aide soit financée par un fonds régional auquel contribueraient : syndicats de distribution et d’assainissement, collectivités territoriales, Régions, Etat (Agences de l’eau) et grands groupes.

Karina Kellner, secrétaire générale de l’Obusass, indique qu’à l’échelle de l’Ile de France 266 000 foyers seraient concernés par ce dispositif visant à corriger les inégalités du prix de l’eau. Evoquant le système curatif actuel, elle rappelle qu’il exclut les locataires de logements HLM et tous ceux qui paient l’eau dans les charges car pour en bénéficier il faut présenter une facture d’eau !

Soutien du manifeste sur www.obusass-idf.fr

Une alternative au forum des marchands d’eau

Le Forum alternatif mondial de l’eau (Fame) se déroulera du 14 au 17 mars à Marseille, en parallèle du 6e  Forum mondial de l’eau (FME). Au Dock des Suds à Marseille, seize ONG, vingt associations nationales et plus de cinquante associations locales proposeront des solutions alternatives à la marchandisation prônée par le 6e Forum mondial de l’eau. Le Fame ce sont d’autres voies possibles en termes de modes de gestion, des alternatives écologiques et citoyennes.

Cette initiative s’est vue refuser tout concours financier du ministère de l’Ecologie. Tandis que le FME, forum officiel organisé par le Conseil mondial de l’eau, organe des sociétés transnationales et de la Banque mondiale, va disposer de 16,5 millions d’euros de recettes publiques – avec l’ajout des recettes privées son coût s’élève à plus de 29 millions d’euros. Il comptait début février seulement 3 500 inscriptions sur les 20 000 annoncées !

www.fame2012.fr

www.worldwaterforum6.org

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